
Entrevue Alain RIZZO
D’origine Sicilienne, le Marseillais de naissance, Calogero Rizzo se croyait perdu pour le football professionnel quand le Stade Rennais FC le fit venir en provenance de l’ES La Ciotat en 1972. Titulaire indiscutable en défense centrale durant 5 saisons au sein de la charnière des Rouge et Noir, il était d’une très grande régularité puisqu’il ne manqua que quelques matchs avec le club. Toujours passionné de football, il a côtoyé plusieurs légendes du club et a joué contre les plus grands attaquants évoluant dans le championnat de France de Division 1 des années 70.
• Né le 13 octobre 1949 à Marseille (13)
• Défenseur central - libéro
• Premier match avec le SRFC : Olympique Lyonnais - Stade Rennais FC (3-1) du 9 août 1972
• Dernier match : Nîmes Olympique - Stade Rennais FC (6-2) du 8 juin 1977
• 188 matchs joués avec le Stade Rennais FC (5 fois capitaine)
• 0 but marqué
• Carrière professionnelle : OGC Nice (1966-1970) ; AC Arles (1970-1971) ; ES La Ciotat (1971-1972) ; Stade Rennais FC (1972/1977) ; Olympique Avignonnais (1977-1981)
"L'entraîneur m'a dit que le soir même je pourrais boire un "kilo" de vin rouge pour récupérer mon sang"
Pour commencer, peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Calogero Rizzo. Je suis né en 1949 à Marseille. Mes parents sont arrivés dans le sud de la France en provenance de Sicile en 1947. Ils se sont mariés en France, puis ils m'ont eu. À la maison, nous parlions tout le temps le Sicilien, car mes parents ne parlaient pas d'autre langue. Quand je suis allé à l'école, la maîtresse a demandé à ma maman comment je m'appelais. Elle lui a dit que je m'appelais Calogero. La maîtresse a trouvé que ça allait être trop compliqué à retenir pour les autres enfants. Elle lui a dit qu'elle pensait que Calogero se disait Alain en Français. Alain est donc juste un surnom.
Peux-tu nous expliquer ton début de parcours professionnel ?
Je sors d'un petit club de Marseille qui s'appelle l'ES les Caillols. Beaucoup de joueurs, formés là-bas, sont devenus professionnels comme Christophe Galtier et même internationaux comme Jean Tigana, Éric Cantona et Roger Jouve. Là-bas, j'ai été sélectionné avec les Cadets du Sud-Est avec lesquels j'ai été Champion de France des Régions en 1966. Après cela, de nombreux clubs professionnels m'ont contacté comme l'AS Saint-Étienne, l'OGC Nice, l'AS Cannes, le FC Toulouse ou encore le SCO d'Angers. Un an avant, mon meilleur ami Roger Jouve était parti des Caillols pour aller jouer à l'OGC Nice. Il avait joué 7 ou 8 matchs. Mon père m'a dit que, si je voulais jouer, c'était là-bas qu'il fallait que j'aille. Un jour, des représentants de l'AS Monaco sont venus à la maison avec une valise où il y avait un million et demi de centimes qu'ils ont mis sur la table. Mon père gagnait 80 000 centimes par mois en travaillant 70 heures par semaine. Ça représentait donc beaucoup d'argent pour lui pour l'époque. Je traduisais en même temps à mon père car il ne parlait pas Français. Je lui ai dit que j'allais signer à Monaco. Mon père a alors pris la valise et l'a repoussée en disant non, non. Les dirigeants sont repartis déçus. Je lui ai demandé pourquoi il avait refusé alors que c'était peut-être la chance de ma vie. Il m'a répondu que j'irais à l'OGC Nice, car il était sûr que leurs représentants allaient venir nous voir. Et, ils sont arrivés les derniers. Ils ont mis un million de centimes sur la table. Mon père les a pris et j'ai signé quatre ans à Nice. J'avais 16 ans et demi.
Comment se sont passées tes années Niçoises ?
En quatre ans, de 1966 à 1970, je n'ai joué qu'une vingtaine de matchs. Je me suis dit que le niveau était trop élevé pour moi. Au moment où j'étais à l'armée, je suis allé voir le Président de Nice, Monsieur Loeuillet. Nous venions de jouer la Coupe des Villes de foire (*). Je lui ai demandé de me laisser partir. Il m'a dit qu'il était d'accord mais que si je ne trouvais pas où rebondir, il me garderait volontiers car j'étais un jeune espoir d'à peine 21 ans.
Avant d'arriver à Rennes, te rappelles-tu avoir joué Route de Lorient avec l'OGC Nice ?
Oui, très bien. J'étais au marquage de Silvester Takac, qui était un excellent footballeur. Ce jour-là, il a marqué 4 buts. J'en ai pleuré. Sur un corner, je plonge pour mettre la tête, mais Takac qui était un petit joueur arme sa frappe et me fait saigner en me touchant le crâne. L'entraîneur m'a dit que ce n'était rien et que le soir même je pourrais boire un "kilo" de vin rouge pour récupérer mon sang (ndlr : 18 mai 1969 : Stade Rennais UC – OGC Nice (4-2)).
"J'ai disputé la rencontre inaugurale du Parc des Princes face à l'URSS"
Et après Nice ?
Lorsque j'étais au service militaire, j'ai discuté avec Jacques Augustin qui a joué en professionnel à l'AS Monaco, puis à La Ciotat. Il m'a dit qu'Arles cherchait un joueur comme moi. J'ai alors signé une saison à l'AC Arles en Division 2 pour la saison 1970/1971, où j'ai été titulaire toute la saison. Je me suis dit que la Division 2 était donc mon niveau. Nous avions joué contre La Ciotat qui venait de monter en Division 2. J'avais un copain qui jouait là-bas qui m'a encouragé à venir avec lui. J'ai donc signé à l'ES La Ciotat en 1971/1972. J'y fais vraiment une super année. À la fin de la saison, j'ai été sélectionné en Équipe de France amateur et j'ai disputé la rencontre inaugurale du Parc des Princes face à l'URSS (ndlr : le 25 mai 1972) dans le cadre des qualifications aux Jeux Olympiques de Münich 1972. J'étais au marquage d'Oleg Blokhine, qui deviendra une star du foot européen et Ballon d'or 1975. C'est lors de ce match que Monsieur Prouff, alors entraîneur du Stade Rennais FC, m'a repéré et m'a demandé de rejoindre Rennes.
Dans quel état d'esprit y es-tu arrivé ?
J'étais très fier de signer là-bas à 22 ans, car j'allais retrouver la 1ère Division que j'avais laissée pendant deux ans, Je ne savais pas si j'allais être titulaire. Monsieur Prouff m'a seulement dit que la charnière centrale de la saison précédente, composée de Zygmunt Chlosta et de René Cédolin, allait arrêter et que c'était René Cédolin qui allait devenir entraîneur. Monsieur Prouff pensait à Loïk Kerbiriou, Bernard Goueffic et moi-même pour assurer la charnière centrale.
20 août 1972, Portsall (29) : les nouvelles recrues du Stade Rennais FC posent avant le match amical face au Paris FC (1-0). De gauche à droite : Juan Duarte, Alain Rizzo, Jean-Paul Escale, Fantamady Keita, Daniel David, Réginald Dortomb, Ricardo Cherini.
Comment était perçu le club depuis le Sud de la France ?
Le Stade Rennais avait une bonne image. Il venait de gagner la Coupe de France et de jouer la Coupe d'Europe un an auparavant. Je savais qu'il y avait eu de bons joueurs comme Daniel Rodighiero ou André Guy à avoir évolué en Rouge et Noir.
Quelles étaient tes caractéristiques de footballeur ?
En arrivant, je jouais libéro avec un stoppeur costaud juste devant moi. J'étais assez rapide et assez bon techniquement ce qui me permettait de ressortir proprement le ballon de derrière. Je pense que je n'étais pas un grand joueur mais j'étais un bon joueur de club avec une mentalité club. Je me battais à fond pour lui.
"J'ai joué d'emblée une centaine de matchs consécutifs"
Comment se sont passés tes débuts avec le Stade Rennais FC ?
Je me demandais si j'allais être titulaire, mais immédiatement, ça a collé avec le nouvel entraîneur René Cédolin. Il m'a dit que j'allais jouer à son ancien poste. Il a trouvé les bons mots, en me disant que j'avais les qualités pour réussir. J'ai joué d'emblée une centaine de matchs consécutifs en comptant les matchs de championnat, de Coupe de France et amicaux. Je me souviens que lors d'un match amical de début de saison contre le FC Nantes, je reçois le ballon et je dégage assez loin devant moi. Louis Cardiet m'interpelle en me disant que ce n'était pas comme cela qu'il fallait faire et qu'il allait me montrer. Le ballon arrive peu après dans les 18 mètres. Bernard Blanchet, l'ailier droit de l'équipe de France et du FCN, arrive sur lui. Louis lui fait un petit pont et donne tranquillement le ballon à Raymond Kéruzoré. Il se retourne alors vers moi en me disant que c'était comme cela que le Stade Rennais jouait. Ça m'a beaucoup marqué et après cela, j'ai rarement dégagé un ballon loin devant moi.
3 février 1974 (Paris – Parc des Princes) - 32ème de Finale de Coupe de France : le Stade Rennais FC s'incline face au Football Club de Nantes (1-3). Alain Rizzo relance du pied droit.
Parmi les attaquants que tu as affrontés, lesquels t'ont donné le plus de difficultés ?
L'attaquant de Nice Nenad Bjekovic était un attaquant costaud. Nestor Combin à l'Olympique Lyonnais qui jouait avec Bernard Lacombe était aussi très fort. À l'AS Saint-Étienne, Revelli était un attaquant très fin, qui jouait en déviation et ne gardait jamais le ballon. Il allait chercher le ballon et le donnait assez vite. Et aussitôt, il replongeait pour réclamer le ballon. Il donnait une solution pour le porteur du ballon. Je me rappelle d'un match où Ivan CurkoviC, le gardien de but du Grand Saint-Étienne, dégage le ballon. Revelli amortit de la poitrine. Loïk Kerbiriou arrive par derrière et lui file un énorme coup de tête. Revelli tombe immédiatement par terre à moitié assommé. Loïk le prend par le maillot par terre en lui disant qu'il ne saignait même pas donc que ça n'était pas la peine de se plaindre. À l'Olympique de Marseille, Josip Skoblar était aussi très fort. Je pense que c'est le meilleur attaquant contre lequel j'ai joué. Quand il sautait pour faire une tête, il avait une double détente. Un joueur normal, saute et monte et quand il ne peut plus, il redescend. Lui quand il arrivait à son maximum, il redonnait un coup de rein et remontait encore un petit peu. Il était impressionnant.
Quel souvenir gardes-tu de ton premier match avec le Stade Rennais à Gerland face à l'Olympique Lyonnais ? (ndlr : 9 août 1972 : Olympique Lyonnais – Stade Rennais FC (3-1))
C'est un souvenir particulier car j'étais opposé à Bernard Lacombe, qui était un copain, et surtout Serge Chiesa que j'ai connu en Équipe de France junior et qui était un super joueur. J'avais un peu de pression, mais toute ma famille était montée de Marseille au Stade de Gerland. C'était important pour moi qu'ils soient là. Ça reste un très bon souvenir malgré la défaite. C'étaient mes débuts avec le Stade Rennais. J'étais content. Je jouais devant François Blin qui disputait ce jour-là, l'un de ses deux seuls matchs avec le Stade Rennais en professionnel.
Quel souvenir gardes-tu de ta saison 1972/1973 où tu es principalement associé à Bernard Goueffic en charnière ?
Nous finissons 10ème de Division 1. À titre personnel, je fais une bonne saison. Pour moi, cela a été une année pleine avec 39 matchs joués. Je me suis dit que finalement, j'avais peut-être le niveau pour jouer en Division 1. Mais le club n'avait pas trop de moyens. Il y avait de très bons footballeurs, comme Raymond Kéruzoré, André Betta ou Pierre Garcia avec un super état d'esprit.
7 octobre 1972 : SCO Angers – Stade Rennais FC (0-2) : Alain Rizzo prend le dessus sur l'attaquant Angevin Éric Edwige.
"Bernard Lemoux et François Pinault ont conclu le transfert de Laurent Pokou"
Te rappelles-tu du match joué à domicile contre ton club formateur l'OGC Nice en 1972 qui fut annulé ?
Oui. Nous nous battions pour le contrat à temps. À l'époque, quand un joueur signait professionnel dans un club, il lui appartenait jusqu'à ses 35 ans. Le club pouvait te vendre quand il voulait, mais nous, joueurs, ne pouvions pas partir sans accord du club. Les joueurs professionnels ont donc décidé de faire grève. Je ne me souviens plus pourquoi nous, à Rennes, n'avions pas fait grève. Cette journée-là, il n'y a eu que 5 matchs joués. Ils ont été annulés et rejoués ultérieurement. C'est malgré tout un bon souvenir car je voulais montrer aux dirigeants de l'OGC Nice qu'ils avaient eu tort de me laisser partir deux ans plus tôt. À la fin des matchs, j'avais pris l'habitude d'aller dans les vestiaires visiteurs pour faire dédicacer un album rempli de photos de joueurs, destiné à mon fils. Ce jour-là, Roger Jouve, mon meilleur ami, jouait. En rentrant dans les vestiaires Niçois, il me serre la main pour me féliciter et me dit que j'avais fait un bon match. Jean Snella, l'entraîneur Niçois, arrive et dit au Président Loeuillet qu'il était fou de m'avoir fait partir de l'OGC Nice. J'étais aux anges.
La saison suivante (1973/1974), malgré un début de saison difficile (18ème à la trêve), le Stade Rennais FC finit 13ème. Qu'a changé l'arrivée de Laurent Pokou ?
Son recrutement a profondément modifié la situation. Il a modifié l'état d'esprit du collectif. Nous sommes devenus plus gagneurs. Nous avions plus confiance en nous. Ça nous a boostés à un point considérable. Nous ne le connaissions quasiment pas car il n'y avait pas trop de télévisions à cette époque. J'avais entendu dire que c'était un bon joueur mais je ne l'avais jamais vu jouer. Je le connaissais seulement par des articles de journaux. Au premier entraînement, il "bouffait" déjà tout le monde. Il avait un état d'esprit exceptionnel. Il avait tout le temps le sourire. Il nous avait raconté qu'il avait joué contre le Brésil et que Pelé l'avait surnommé le "Pelé Africain". Un jour je vais chercher le petit frère de ma femme à la gare de Rennes. Là-bas, nous croisons Laurent Pokou qui venait aussi chercher quelqu'un. Il avait une Citroën Traction qu'il avait fait totalement retaper car, au départ, elle était toute pourrie. Il en a fait une voiture extraordinaire. Il en sortait très classe avec son grand chapeau, son grand manteau trois-quarts.
1975 : La Citroën Traction de Laurent Pokou avant qu'elle soit remise en état.
Cette saison est aussi marquée par des changements en coulisses avec l'arrivée de Bernard Lemoux à la présidence. Comment cela a-t-il été perçu à l'intérieur du club ?
Il était jeune et n'avait aucune expérience de président. C'était un président très dynamique. Il en voulait. Il entretenait de bonnes relations avec François Pinault. Ils ont d'ailleurs conclu ensemble le transfert de Laurent Pokou, qui devait signer au FC Nantes. Ils l'ont récupéré à l'aéroport d'Orly et l'ont amené à Rennes pour qu'il signe au Stade Rennais. C'était aussi un président atypique. Je me souviens d'un avant-match où nous étions dans le vestiaire et parlions avec l'entraîneur. Tout d'un coup, nous l'avons vu arriver, s'installer sur un banc, se mettre en survêtement et mettre des chaussures de foot. Nous sommes partis à l'échauffement sur le terrain d'honneur et il est venu alors s'échauffer avec nous. Les spectateurs l'ont reconnu et se sont demandés ce qu'il faisait avec nous car cela se voyait qu'il ne savait pas jouer au ballon.
Lors de la saison 1974/1975, René Cédolin, l'entraîneur, est subitement écarté et remplacé par Antoine Cuissard alors que le club est 12ème de Division 1. S'ensuit une série de 13 derniers matchs sans victoire et une triste relégation en Division 2. Que s'est-il passé de ton point de vue ?
C'est vrai qu'au moment de l'éviction de René Cédolin, nous n'étions pas trop mal placés en étant 12ème mais nous n'avions pas le classement attendu. Son éviction a été une surprise. Même dans l'équipe, ça n'allait plus très bien. Je pense que si René Cédolin était resté en poste, nous ne serions pas descendus en Division 2. Il était aimé de tout le monde. Il était très humain, très proche des joueurs. Certes, il était très orienté sur le travail physique, mais connaissait aussi très bien le football. Mais, nous avions l'impression qu'il avait un peu le trac, qu'il était un peu timide. C'était sans doute son seul défaut. Je me rappelle d'un match de cette saison contre l'AS Monaco de Christian Dalger, Dellio Onnis, Jean Petit, une grosse équipe. Nous ouvrons le score (1-0) et comme des imbéciles, tous les joueurs célèbrent ensemble en revenant vers notre camp. Nous sommes totalement démobilisés au moment de la remise en jeu. Les Monégasques reprennent le jeu immédiatement, jouent, centrent et égalisent dans la minute qui suit. Ils égalisent sur une bêtise de notre part. René nous avait mis une énorme soufflante à la fin du match. (ndlr : 5 avril 1975 – Stade Rennais FC – AS Monaco (1-1))
"Si nous gagnions, la prime serait triplée."
Tu repars pour une saison en Division 2 dominée de la tête et des épaules et marquée par la grave blessure de Laurent Pokou.
Je connaissais le niveau de la Division 2. Je n'ai pas eu d'opportunités et je ne voulais d'ailleurs pas partir car j'étais bien à Rennes et j'étais persuadé que nous allions remonter. Je le sentais. Et d'ailleurs, nous sommes remontés assez facilement. Je me souviens d'un match de Division 2, cette saison-là, disputé à Brest sous une pluie battante. Avant la rencontre, le président Bernard Lemoux est entré dans le vestiaire et a annoncé qu'il doublerait la prime en cas de victoire. Laurent Pokou lui a rétorqué que ce n'était pas suffisant, et qu'il fallait plutôt la tripler. Le président a accepté le défi : si nous gagnions, la prime serait triplée. Nous avons alors largement dominé le Stade Brestois, l'emportant 6-0, et reçu une belle prime en récompense. (ndlr : 31 octobre 1975 : Stade Brestois – Stade Rennais FC (0-6)).
La grave blessure de Pokou nous a fait très mal, même si en Division 2 nous savions qu'il n'était pas indispensable pour remonter (ndlr : Laurent Pokou a été très gravement blessé au genou lors d'un match contre Châteauroux et resta éloigné des terrains durant 14 mois). La Division 2 ne correspondait pas à son niveau car il était clairement au-dessus. Nous nous demandions juste comment il récupérerait de sa blessure pour la saison suivante en Division 1 car nous voyions bien que nous remonterions. À son retour, il a été nettement moins bien. Il est parti ensuite à Nancy où il a été bon mais sans retrouver son niveau précédent.
Cette blessure provoque l'arrivée d'un nouvel attaquant : Jerzy Wilim. Comment était-il ?
Wilim était Polonais. Après les matchs, il aimait bien faire la fête. C'était un très gentil garçon, pas très bon techniquement, mais un gros travailleur, un gros bosseur. Il ne craignait pas d'aller au contact et ne craignait pas les coups.
Cette saison-là, tu es associé à Jean-Paul Rabier en charnière défensive.
Jean-Paul Rabier n'avait pas du tout le même gabarit que Loïk Kerbiriou qui avait été mis sur la touche en début de saison. C'était un très gentil garçon. Il avait été international junior et avait gagné la Coupe Gambardella en 1973 avec Pierrick Hiard, Jean-Luc Arribart et Christian Gourcuff. Il était techniquement très fort mais avait des difficultés à aller au contact.
En coulisses, c'est aussi le début des problèmes financiers du club. Le ressentais-tu d'une façon ou d'une autre ?
Nous étions inquiets mais sans plus. Des bruits ont couru disant qu'il n'y avait plus d'argent mais nous étions payés tous les mois ce qui était un soulagement, surtout quand tu es père de famille. C'étaient les balbutiements du professionnalisme. À l'époque, nous devions gagner trois ou quatre fois le SMIC mais c'était déjà bien et je ne vais surtout pas pleurer aujourd'hui. J'aurais payé pour jouer et j'étais payé pour jouer. J'avais connu une saison à Nice quand j'avais 19 ans où c'était difficile de toucher ma paie. Ma femme allait pleurer auprès du trésorier en lui disant que nous n'avions pas d'argent et que nous avions un fils à nourrir.
"J'ai failli signer à l'AJ Auxerre avec Guy Roux"
La saison 1976/1977 est de nouveau marquée par une triste 20ème place et une nouvelle descente. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné cette saison là ?
L'ambiance n'était pas très bonne et nous n'étions pas très réguliers. Nous étions capables de faire des coups, mais le groupe a mis beaucoup de temps à se mettre en place. Nous avions battu la grosse équipe du FC Nantes avec Henri Michel, Patrice Rio, Jean-Paul Bertrand-Demanes dans les cages, Loïc Amisse, Gilles Rampillon, Maxime Bossis, Éric Pécout. C'était jeune mais très costaud. (ndlr : 18 septembre 1976 : Stade Rennais FC – FC Nantes (2-1)). Contre Nantes, même moi qui ne suis pas Breton, je ressentais que c'était un gros derby. C'était autre chose que les matchs contre Brest ou Lorient. Même si nous avions recruté des joueurs expérimentés comme Didier Notheaux, Claude Arribas ou Alain Richard, cela n'a pas été suffisant pour nous maintenir.
Pourquoi décides-tu de quitter le club à l'issue de cette saison pour rejoindre l'Olympique Avignonnais ?
J'étais en fin de contrat et j'avais déjà 28 ans. Rennes voulait me garder et m'a seulement proposé un contrat de 2 ans au même salaire. J'ai failli signer à l'A.J. Auxerre avec Guy Roux, mais finalement cela ne s'est pas fait. L'Olympique Avignonnais, qui était alors en Division 2, m'a proposé un contrat de quatre ans. Cela me permettait de me rapprocher du Midi et de mes parents et mes beaux-parents. J'ai passé trois belles années à Avignon sur les quatre ans où j'ai joué là-bas. La dernière saison a été plus compliquée car nous avons eu des problèmes d'argent.
Quelques saisons plus tard, tu reviens jouer contre le Stade Rennais lors des matchs de Barrage 1980.
Oui, mais je suis retourné à Rennes en défendant les couleurs d'Avignon (Blanc et Bleu) pour un match de barrage. J'ai joué ce match avec Gérard Lanthier, qui jouait à Avignon cette saison là et qui a joué ensuite avec le Stade Rennais FC (ndlr : 24 mai 1980 : Barrages Aller : Stade Rennais FC – Olympique Avignonnais (0-0)).
Durant tes saisons Rennaises, quels joueurs ayant évolué à tes côtés t'ont semblé supérieurs ?
Dans les cages, Pierrick Hiard était en début de carrière et était un très bon gardien. J'ai joué aussi avec Daniel Bernard qui était surnommé "Pigeon", et avec Jean-Paul Escale que j'ai beaucoup aimé. En défense, Louis Cardiet m'a beaucoup appris. Il avait beaucoup d'expérience, beaucoup de métier. J'ai beaucoup progressé à son contact. Au milieu de terrain, Raymond Kéruzoré et André Betta étaient de très bons techniciens. Raymond Kéruzoré avait un double démarrage. Il allait très vite. Tu courais à fond à côté de lui et quand tu commençais à baisser de rythme, lui arrivait à encore accélérer. En attaque, le meilleur joueur et de loin, était évidemment Laurent Pokou. Il n'y a personne d'autre. Je suis sûr que, si au lieu de venir à Rennes, il avait signé à Saint-Étienne ou à l'OGC Nice, il y aurait fait un malheur.
2 octobre 1976 : Stade Rennais FC – Stade Lavallois FC (1-3). Alain Rizzo au duel avec Raymond Kéruzoré, alors sous les couleurs Lavalloises.
"Derrière les buts, les tribunes en bois devaient dater de l’après-guerre"
Comment étaient les infrastructures du Stade de la Route de Lorient ?
Le siège était situé dans des préfabriqués à côté des tribunes. Le stade n'était vraiment pas moderne, même pour l'époque. Derrière les buts, les tribunes en bois devaient dater de l'après-guerre. C'était super dangereux pour les spectateurs. Nous nous entraînions sur des terrains derrière les deux tribunes dont un terrain stabilisé.
27 juin 1974 : Alain Rizzo (2ème en partant de la gauche) pose avec ses coéquipiers du Stade Rennais FC sur l'antique tribune Ville de Rennes faites de tubes métalliques et de bois..
Suis-tu toujours les résultats du Stade Rennais FC aujourd'hui ?
Je suis encore beaucoup les matchs du Stade Rennais FC et de l'OGC Nice qui sont mes deux clubs de coeur.
Est-ce un regret de n'avoir jamais joué pour l'Olympique de Marseille, le club de la ville où tu es né ?
Non, ce n'est pas un regret. Quand j'ai été repéré à Nice, ça ne fonctionnait pas bien à l'OM pour les jeunes. Ils ne jouaient pas.
Que dirais-tu en conclusion ?
Personnellement, je n'en reviens toujours pas d'avoir pu être professionnel. C'était une passion et un rêve de gamin. Mais je devais avoir les qualités pour jouer au plus haut niveau national car j'ai toujours été sollicité. Quand j'ai quitté Rennes, même si j'étais Marseillais, je pleurais. Je ne remercierai jamais assez le Stade Rennais pour ces 5 années merveilleuses.
Alain Rizzo à son domicile de L'Isle-sur-la-Sorgue lors de notre entrevue.
Merci à lui pour ce témoignage.
(*) La Coupe internationale des villes de foires est une ancienne compétition annuelle de football européen qui s'est disputée entre 1955 et 1971. La compétition était ouverte seulement aux villes accueillant ces foires, indépendamment du classement dans leurs championnats nationaux. En 1971, elle est remplacée par la Coupe de l'UEFA.
Entrevue réalisée par mattcharp