Entrevue Guy LACOMBE

Dans les colonnes de notre partenaire Breizh Football, on découvre en septembre 2012 une interview de Guy Lacombe. Avec son franc-parler, l'ancien entraineur du Stade Rennais FC (de décembre 2007 à mai 2009) y revient sur son parcours d'entraîneur et notamment sur son passage chez les Rouge et Noir marqué par une épopée inoubliable en Coupe de France en 2009. Extrait de l'interview consacrée à la finale de celle-ci.

"Pour moi, la finale, on l’a gagnée. Quand on mène 1-0, c’est fini. Fini !"

En 2009, lors de la finale de Coupe de France, n’avez-vous pas eu trop peur de cette équipe de Guingamp ?

En face, il y avait plus de joueurs que nous à avoir vécu une finale. Wilson Oruma, que je connais parfaitement bien, je savais qu’il pouvait faire la différence à tout moment.

Quel match, il a sorti !

Il a été énorme. Mais, cette finale, je voulais la gagner ! Tout le monde le voulait ! Mais je pense qu’au club, nous n’étions pas suffisamment unis, contrairement à Guingamp. Il faut quand même se souvenir qu’en demi-finale, ils sont allés gagner à Toulouse, à dix contre onze, contre le quatrième de Ligue 1, c’est à dire une équipe qui était bien mieux classée que nous ! A un moment donné, il faut quand même réfléchir sur la valeur de l’équipe qui est en face. Deuxième chose, pour moi, la finale, on l’a gagnée. Quand on mène 1-0, c’est fini. Fini ! Regardez les statistiques sur l’année et demie que j’ai passée à Rennes, et notamment le nombre de fois où l’on a perdu quand on menait 1-0. Vous savez à combien de reprises cela est arrivé ?

Non. Très peu, certainement.

Deux fois ! Contre Bordeaux, le futur champion, et Guingamp !

Vous venez de nous parler d’un manque d’union au sein du club…

Oui, on aurait dû être beaucoup plus unis, je ne parle pas du groupe, je parle du club en général. Il y a eu aussi de l’incompréhension avec le public. J’aimerais en parler, parce que je pense que l’on a été injustes avec moi, notamment la presse. Je suis un compétiteur, un gagneur, je l’ai prouvé, je suis allé six fois en finale de Coupe, j’en ai gagné trois. Lorsque l’on me reproche de ne pas titulariser Mickaël Pagis lors des derniers moments de ma, de ma gouvernance, disons. Eh bien, je suis un peu surpris de ces critiques, parce que Mickaël Pagis, quand j’arrive à Rennes en décembre 2007, essayez de vous souvenir, il est honni par les spectateurs. Certains veulent même le frapper ! Lui, il veut partir. Je le vois individuellement et je lui demande de rester. Je lui dis : "Ecoute, Mickaël, tu verras, je te mettrai à ton poste. Je connais ta valeur. Je vois que dans le groupe, il y a des possibilités de connivence, de complémentarité." Psychologiquement, c’est un facteur très important pour lui, mais c’est surtout dans le jeu qu’il a besoin de tout cela. Quand je parle de complémentarité, je pense à Jimmy Briand. Mais que se passe-t-il après ? En décembre 2007, le club est 13e et, en février 2008, on est 17e, avec PSG et Lens. On remonte la pente et on finit à la sixième place, après avoir obtenu 28 points en 13 matches. C’est un parcours de champion ! Je l’ai dit à M. Pinault, je lui ai signalé que si on recrutait bien… Il y avait quelque chose dans cette équipe. Je reviens à Mickaël Pagis, qui a participé à cette remontée : pourquoi me serais-je passé d’un joueur que j’adore et qui joue parfaitement ?

"Si Briand n’avait pas été blessé, Pagis aurait joué et on aurait gagné la Coupe !"

Oui, dites-le !

La raison est très simple : Briand se blesse aux ligaments croisés. Et regardez les statistiques, elles sont assez claires. J’ai essayé de faire jouer Mickaël avec Asamoah. Mais Mickaël n’avait plus cette complémentarité, il n’avait plus ce fer de lance devant lui. Ça, c’est le premier point. Le deuxième : Mickaël a 35 ans et quand on voit que l’équipe devient moins performante, quel doit être mon rôle ? C’est de la rendre plus performante, d’essayer de gagner et c’est vrai que Mickaël ne rentrait plus dans les plans de jeu. J’aurais pu me tromper, mais la suite a prouvé que c’était exact. L’entraîneur qui est arrivé après, Antonetti, il ne l’a pas non plus fait jouer. Pourquoi ? Parce qu’à un moment donné, il faut savoir s’arrêter. Mickaël m’en a voulu et je sais pourquoi. Mais, on sait pertinemment qu’à 33-34-35 ans, il n’y a plus d’essence, je suis passé par là, tous les joueurs le vivent un jour. A cet âge, ça devient difficile, parce que les jeunes vous poussent. Si Jimmy Briand n’avait pas été blessé, Mickaël aurait fini la saison tranquillement et je pense que l’on aurait gagné la Coupe. Mais les circonstances ont été celles-là, on n’y peut rien, il faut faire avec.

À l’époque, le public ne comprenait pas en effet vos choix. Au Stade de France, il a réclamé l’entrée de Pagis…

Il y a eu une incompréhension, mais elle a été bien orientée par une certaine presse. Je vous le garantis (sourire) ! Et c’est dommageable car, pour moi, ramener un trophée aux spectateurs, aux Rennais, j’en aurais été franchement très fier. Bon, il n’est pas allé loin, il est resté en Bretagne, l’honneur est sauf ! Il aurait fallu être unis. Sincèrement, je pense que le club a raté une occasion et c’est dommage.

Mais ce n’est pas uniquement à cause du cas Pagis que la victoire n’a pas été au rendez-vous. Il vous a manqué du réalisme offensif, notamment quand Moussa Sow tire sur la barre.

Oui et il y a un penalty oublié en première mi-temps, etc. On avait de quoi la gagner, mais il faut être ensemble pour y parvenir, que les dirigeants soient avec nous. Vous ne pouvez pas remporter cette compétition par hasard.

Les Rennais ont failli retourner au Stade de France en mai dernier !

Oui. Antonetti, à la fin de la saison, que dit il ? Qu’ils ont réalisé une bonne saison et il a raison ! Ils ont pris 60 points et ils sont allés en demi-finale de Coupe de France. Bien sûr, c’est décevant de perdre contre Quevilly. Mais, vous savez, quand on reçoit Rodez en quart de finale en 2009, c’est sur un coup de pied arrêté que l’on a ouvert le score. Vous ne pouvez même pas imaginer à quel point c’est compliqué d’être favoris dans une compétition comme la Coupe. Pourquoi ? Parce que le petit, en France, il est choyé. Quand on a ouvert la marque contre Guingamp, je me suis dit que c’était bon, mais le sort en a voulu autrement et a choisi son camp ! Bravo à l’adversaire. S’il y a un club qui méritait cela, c’est bien Guingamp. Mais ça s’est joué à un petit détail, qui aurait pu… (il coupe). C’est Sylvain Marveaux. S’il revient dans le groupe un poil plus tôt. Cela se joue le jeudi après-midi à l’entraînement lors d’une séance de vitesse, où je vois Marveaux ne pas aller au bout parce qu’il a encore peur de se blesser. S’il va au bout dans cet un-contre-un, je le prends dans le groupe. Ça ne tient à rien, mais je ne le prends pas, parce que j’analyse tout, c’est mon boulot. Sylvain a joué quelques jours après et c’était bien. Comme je vous le disais, nous sommes responsables, mais pas coupables. Coupables de quoi ? De faire du mieux possible pour gagner ?


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