Entrevue Louis FLOCH
International français à 16 reprises, Louis Floch, dit Loulou, finistérien originaire du Léon, est devenu une légende du football breton. Arrivé au Stade Rennais UC avant ses 18 ans, juste après la victoire en Coupe de France 1965, il restera 4 ans au club avant de partir vers l’AS Monaco. Loulou joue 108 matchs sous les couleurs rouges et noires pour 23 buts marqués. Ailier droit très rapide, ses débuts à Rennes l’ont tellement marqué, que malgré des passages remarqués dans d’autres clubs tels que l’AS Monaco, le Paris FC, le Paris SG et enfin le Stade Brestois, il considère toujours aujourd’hui que son seul club c’est Rennes !
● Né le 28 décembre 1947 à Saint-Pol-de-Léon (Finistère)
● Premier match : UA Sedan Torcy - Stade Rennais UC (3-1) du 22 août 1965
● Dernier match : Nîmes Olympique - Stade Rennais UC (5-1) du 13 juin 1969
● 108 matchs joués avec le Stade Rennais UC pour 23 buts marqués
● Stade Rennais UC (1965-1969) / AS Monaco (1969-1972) / Paris FC (1972-1974) / Paris SG (1974-1976) / Stade Brestois (1976-1980)
● 16 sélections en Équipe de France entre 1970 et 1973 pour 3 buts marqués
"J’ai été accueilli à Rennes de façon incroyable"
Quel a été ton parcours de footballeur avant de signer au Stade Rennais UC en 1965 ?
J’ai débuté le football à Saint-Pol-de-Léon. La première fois que j’ai joué sur un grand terrain, c’était pour voir jouer mes copains avec le Stade Léonard. Ils avaient 2 ou 3 ans de plus que moi. Quand je jouais avec eux, j’étais pratiquement toujours le meilleur. Ce jour-là, ils jouaient contre l’équipe de l’Etoile Sportive du Kreisker qui était l’autre équipe de Saint-Pol. Avant le début de ce match, un dirigeant, M. Cadiou, s’est rendu compte qu’il manquait un joueur pour l’équipe du Stade Léonard. Un de mes copains lui a dit que je pouvais jouer dans leur équipe.
Bien sûr, ce jour-là, je n’avais pas de chaussures de foot mais le dirigeant a accepté que je joue avec eux. J’étais de loin le plus petit car j’avais 2 ans d’écart avec tous les autres joueurs. J’ai débuté en jouant devant et j’ai marqué 5 ou 6 buts. Le lendemain, les dirigeants de Stade Léonard sont venus à la ferme où j’habitais et sont allés voir ma tante qui m’élevait. Elle se demandait si je n’avais pas fait de conneries. Ils l’ont rassurée et lui ont dit qu’ils venaient la voir pour me faire signer une licence au Stade Léonard. Pour elle, j’étais trop jeune : je n’avais même pas 13 ans mais j’ai signé quand même.
Comment se sont passées tes premières années au Stade Léonard ?
J’ai joué plusieurs années en étant surclassé en équipe Cadet. Tous les week-ends, je marquais 10, 12, 15 buts par match car je jouais devant. Tous mes copains étaient contents. 2 ans après avoir débuté le football, à 15 ans et demi, mon entraîneur Jean Combot, ancien joueur du Stade Rennais UC, m’a fait débuter en équipe première du Stade Léonard comme ailier. Je n’ai plus quitté l’équipe après.
Loulou Floch jouant une partie de baby-foot avec son entraîneur de l’époque, Jean Combot.
La seconde année, j’étais junior première année, et j’ai encore été surclassé en jouant en équipe première. Je jouais alors avant-centre. J’ai fini meilleur buteur de Division d’Honneur, qui était déjà un bon niveau. Nous jouions contre des équipes comme le Stade Brestois, le Stade Lavallois, Le Mans, Cholet, etc… J’avais déjà été remarqué par M. Georges Boulogne qui était à la fédération française de football. Il m’avait déjà fait faire des stages à l’Institut National du Sport (INS).
A Saint-Pol, nous n’avions pour ainsi dire pas d’entraînement. Jean Combot avait des problèmes avec son genou. Chaque fois qu’il jouait, son genou gonflait. C’était le meilleur joueur de l’équipe, Gaby Velly, qui entraînait les gars. Il n’y avait pas beaucoup de joueurs de l’équipe première présents aux entraînements car ils travaillaient. Moi, j’allais aux entraînements de l’équipe première avec mes copains. Nous nous mettions sur un bout de terrain et comme il n’y avait pas assez de joueurs pour l’entraînement, Gaby Velly nous appelait pour y participer. C’est parti comme ça. C’est lui qui m’a mis sur la route, même si je n’ai pas eu pour ainsi dire d’entraînement physique correct avec Saint-Pol. Heureusement, quand j’étais jeune, j’étais toujours en train de courir, je jouais au foot pendant des heures et des heures.
Lors des stages à l’INS à Annecy, c’était différent. Là-bas, je me donnais toujours à fond. J’ai commencé à connaître l’entraînement physique là-bas avec M. Boulogne. Et à l’INS, j’étais toujours devant !
Comment s’est passée ton arrivée au Stade Rennais UC ?
Jean Combot, mon entraîneur au Stade Léonard et ancien de la maison rouge et noire, m’a fait signer un contrat de non-sollicitation avec le Stade Rennais UC. C’est ma mère qui l’a signé car je n’étais pas majeur et mon père était décédé quelques années plus tôt. Je continuais à participer à des stages. Au cours de l’un d’entre eux, j’avais été remarqué par M. Garonnaire de l’AS Saint-Etienne qui voulait me faire venir. J’ai refusé d’aller là-bas car c’est à Rennes que je voulais aller la saison suivante.
J’aurais déjà dû être à Rennes depuis le mois de janvier 1965. Mais le Stade Léonard n’avait pas voulu me laisser partir. J’ai donc fait 6 mois de plus là-bas où j’ai encore fini meilleur buteur.
Durant l’intersaison 1965/66, M. Prouff, l’entraîneur du Stade Rennais UC, m’a appelé pour me dire que le club allait jouer 3 matchs en Bretagne : à Landerneau, Carnac et Bénodet et m’a proposé d’y participer. C’est là que la plupart des gars m’ont rencontré pour la première fois. Certains d’entre eux me connaissaient car avec l’équipe de Saint-Pol, nous avions battu le Stade Rennais Amateur (3-1) après prolongation en Coupe de l’Ouest. J’avais marqué 2 buts. Au Stade Rennais, il y avait Pierre Garcia, Robert Rico, Jacques Rossignol. C’était une grosse équipe.
Comment s’est passée ton intégration dans l’équipe des tous nouveaux vainqueurs de la Coupe de France 1965 ?
J’ai été accueilli à Rennes de façon incroyable. Parfois, des jeunes arrivent dans un club et sont mis de côté. Mais pas moi ! J’ai eu la chance de vivre chez M. Pleyer, le secrétaire Général du Stade Rennais UC. Je n’étais pas livré à moi-même dans un appartement comme certains autres joueurs. J’étais comme le fils de M. et Mme Pleyer, avec ma propre chambre. Je prenais mon petit-déjeuner, tous mes repas chez eux. J’arrivais à la maison, je mettais mes chaussons : j’étais comme un roi. En plus quand je suis arrivé à Rennes, j’ai commencé à jouer directement tous les matchs.
A mon arrivée, M. Prouff m’a présenté directement aux autres joueurs. C’était lors du premier match amical à Landerneau. Il a fait son petit discours auprès de chaque joueur et quand il est arrivé à mon tour, il m’a dit : "Toi, Loulou, tu joues comme tu sais jouer". Il m’a répété cela plusieurs fois après quand je jouais à Rennes. Je n’avais pas de consignes strictes. Je passais beaucoup de temps à écrire car je recevais énormément de courrier. M. Prouff, avant d’arriver au stade, passait par le siège du club, Quai Lamennais, pour récupérer le courrier. Quand il faisait la distribution, c’était toujours "Pour Loulou, pour Loulou, encore pour Loulou…". Certains disaient en rigolant : "Loulou, tu commences à nous faire chier…". Le nombre de marques de sympathie que je recevais à l’époque était incroyable.
Loulou Floch sort du siège administratif du Stade Rennais UC, 23 Quai Lamennais à Rennes.
Tu as assisté en tant que spectateur à la 1ère finale de Coupe de France, invité par le club ?
Quand Rennes s’est qualifié pour la finale à Paris (NDLR : 23 mai 1965 : SRUC-UA Sedan-Torcy (2-2)), M. Prouff m’a appelé. Je devais arriver à Rennes un mois après. Il m’a proposé de venir voir la finale au Parc des Princes avec la délégation officielle du Stade Rennais. Je lui ai dit ok. Il m’a demandé d’emmener mon sac avec mes chaussures de foot. Cela m’a surpris. Quand nous sommes arrivés à l’hôtel, tous les gars sont partis se reposer. M. Prouff m’a alors dit de prendre mon sac. Nous avons pris un taxi et je me suis retrouvé à jouer un match contre une équipe amateur, dont j’ai oublié le nom. Je me rappelle seulement que j’ai marqué 3 buts. J’ai été subjugué par cette première finale de Coupe de France. Malheureusement, j’ai été obligé de rentrer en Bretagne car je devais retourner à l’école et je n’ai donc pas pu revenir voir la seconde finale. Mais j’aurais vraiment bien aimé.
"Dans le Léon, le Stade Rennais, c’était vraiment quelque chose"
Que représentait pour toi le Stade Rennais Université Club lorsque tu as signé au club ?
Dans le Léon, le Stade Rennais, c’était vraiment quelque chose. Mais pas pour moi. A l’époque, je ne lisais jamais les journaux. Je n’avais ni la radio, ni la télévision. J’entendais seulement mes copains parler des joueurs Rennais. Plus tard, quand je jouais en équipe première à Saint-Pol, les gars ne me parlaient que du Stade Rennais. Il n’y avait que le Stade Rennais. Mais moi, je ne connaissais pas les joueurs dont ils me parlaient.
Au moment de l’épopée Rennaise en Coupe de France 1965, je savais déjà que j’allais jouer au Stade Rennais UC la saison suivante. Mes copains de Saint-Pol me disaient : "wouah ! tu vas à Rennes, ce n’est pas possible." Alors que Gaby Velly qui me connaissait très bien, me disait qu’il n’y avait pas de problème car il considérait que j’avais le niveau. J’étais quelqu’un de sérieux : je ne sortais jamais, je ne buvais jamais. Il avait raison car je ne pensais que "foot foot foot".
Pour les plus jeunes, peux-tu nous raconter quel style de joueur était "Loulou" Floch ?
J’étais très rapide. J’utilisais beaucoup ma rapidité pour passer mon adversaire. Quand j’arrivais devant mon adversaire, j’attendais qu’il fasse une faute, un mouvement, et comme je réagissais très vite, je partais de l’autre côté et il était cuit. Je voyais vite l’erreur de l’adversaire. J’étais dans la provocation. Plus tard, quand je jouais avant-centre, c’était encore plus facile. Il y en a qui disent que c’est plus difficile de jouer avant-centre mais je trouve que c’est faux. En étant avant-centre, il y a plus d’espace. Il y a les 2 côtés. En étant sur un côté, si le défenseur enferme bien son joueur dans ce petit coin du terrain, c’est beaucoup plus difficile.
25 mars 1967 : Loulou Floch déborde le défenseur Rouennais lors du match Stade Rennais UC – FC Rouen (2-1).
Quelles relations avais-tu avec les autres joueurs de l’équipe ?
J’avais de très bonnes relations avec tout le monde mais particulièrement avec les jeunes comme Bébert Rico, Louis Cardiet, Pierre Garcia et Alain Le Roulley qui n’a pas percé. Tous les lundis, tous les joueurs mangeaient ensemble. Nous allions toujours dans le même restaurant du centre-ville de Rennes. Comme j’habitais chez M. et Mme Pleyer, je n’allais pas boire un pot au centre-ville après l’entraînement. Je rentrais directement. C’était souvent Jean-Claude Lavaud qui venait me prendre pour l’entraînement et me reconduisait.
"Rennes-Nantes était un match de référence en Bretagne. Des spectateurs de toute la Bretagne faisaient le déplacement pour assister à cette affiche"
Quel match de tes saisons Rennaises t’a le plus marqué ?
C’est clairement mon premier derby contre Nantes (NDLR :11 Novembre 1965 : Stade Rennais UC-FC Nantes (2-0). C’est le match qui m’a le plus impressionné car il y avait une foule considérable, il y avait du monde partout. Des gens de Saint-Pol étaient venus me voir spécialement. C’était incroyable. Des personnes qui sont devenues plus tard mes amis, et qui ont assisté à ce match, me répétaient souvent qu’ils n’avaient pas pu bouger pendant le match et qu’ils avaient la tête coincée dans le grillage du bord du terrain.
Rennes-Nantes était un match référence en Bretagne. Des spectateurs de toute la Bretagne faisaient le déplacement pour assister à cette affiche.
Nantes nous était souvent supérieur en championnat mais pas en Coupe de France. Tous les joueurs se connaissaient, nous étions tous copains. Quand un match de Nantes était décalé, nous allions assister au match au Stade Marcel Saupin avec d’autres joueurs Rennais. Il n’y avait aucune rivalité sportive mais seulement entre spectateurs.
Ce jour-là, je pense que j’ai fait l’un de mes meilleurs matchs avec le Stade Rennais UC. Mes coéquipiers m’avaient dit avant le match : "Gaby De Michele va te marquer. Fais attention". Il était fou ce jour-là, il taclait dans tous les sens. A un moment, il a quasiment fini dans les balustrades tellement il avait mis de l’engagement.
11 novembre 1965 : Stade Rennais - FC Nantes (2-0) se joue devant une foule incroyable.
Y-a-t-il un match qui t’a marqué négativement ?
Mon premier match à Lens ! Il faisait -4° ou -5°. Nous avons pris une "fessée". (NDLR : 14/11/1965 : RC Lens-Stade Rennais UC (4-1)). En face à Lens, j’avais un copain qui s’appelait Bernard Lech. A l’échauffement, les gars m’avaient dit de ne pas regarder mon adversaire car il allait me faire peur. Je n’ai pas compris car je n’avais peur de personne. C’était Bernard Placzek. Effectivement, quand tu le voyais, il faisait peur : il était tout balafré. Ce jour-là, nous n’avons pas touché un ballon car nous n’avions même pas de chaussures pour jouer sur un terrain comme ça. C’est pour cela qu’on a pris une fessée.
Durant ta carrière de joueur, tu as pu côtoyer de grands joueurs et entraîneurs. Lesquels t’ont le plus impressionné ?
Alors déjà, je suis capable de citer tous les joueurs de l’équipe de Rennes avec lesquels j’ai joué, des gardiens aux attaquants. En revanche, j’en suis bien incapable pour les autres clubs où j’ai joué, que ce soit avec Monaco, le Paris FC, le Paris SG ou le Stade Brestois.
Un gardien ?
Je dirais Georges Lamia même s’il a eu parfois un comportement qui ne m’a pas plu. Nous avions 2 gardiens à l’époque : Georges Lamia et Gilbert Robin de Coray (29). Gilbert était un mec qui bossait énormément. Nous, les attaquants, quand nous voulions continuer à travailler après l’entraînement, c’était toujours Gilbert qui était là, jamais Georges. Georges était plutôt cool, tranquille. Parfois, Georges Lamia avait une petite douleur. Il disait à M. Prouff qu’il n’allait pas s’échauffer. Gibert s’échauffait alors avec nous comme un fou pour être prêt à jouer. Il rentrait alors au vestiaire, tout en sueur tellement il avait bossé. Et à ce moment-là, Georges Lamia disait à M. Prouff que ça irait et qu’il pourrait jouer. Gilbert restait donc sur le banc. Nous, les joueurs, nous disions que ce n’était pas possible car soit nous avions mal et nous ne jouions pas, soit nous n’avions pas mal et nous jouions !
Georges Lamia et Gilbert Robin, les 2 gardiens du Stade Rennais UC cités par Loulou Floch.
Un défenseur ?
Il y avait 2 styles différents. Louis Cardiet faisait tout bien comme il fallait. J’étais en face de lui à l’entraînement. Il était très dur à passer. Il ne faisait pas de fautes, il était propre1 . De l’autre côté, il y avait Jean-Claude Lavaud qui avait une force physique impressionnante. C’était incroyable. Il était capable de faire une touche aussi lointaine que mes corners. Il avait toujours une santé extraordinaire.
Un milieu ?
Coco Ascensio faisait un boulot extraordinaire. Marcel Loncle était un artiste du milieu de terrain. Je n’ai joué que ma première saison avec lui. Après, évidemment, il y a eu Silvester Takac. Je suis le premier joueur à l’avoir accueilli à Rennes car il est venu chez M. et Mme Pleyer chez qui j’habitais. Silvester était un super pote. J’ai eu un garçon et lui a eu une fille. Il faisait la tête car c’était une fille.
23 février 1969 : Stade Rennais UC – FC Sochaux-Montébliard (3-2) Loulou Floch félicite Silvester Takac 2.
Un attaquant ?
Daniel Rodighiero. Comme ailier, tu savais où mettre le ballon. Il y avait aussi Jean-François Prigent à qui j’ai pris la place comme ailier droit. Il est donc passé à gauche. Ce qui est incroyable, c’est que je lui ai pris sa place et il n’a jamais eu un mot contre moi. Nous avons toujours été copains.
Quel est l’arrière gauche qui t’a donné le plus de mal ?
Le défenseur qui m’a donné le plus de mal, c’est Gaby De Michele. Il faisait beaucoup de fautes, il était méchant dans le jeu, dur. Par contre, en dehors du terrain, il était charmant. Mais c’est la loi du foot. Sur le terrain, nous ne connaissions plus personne. Il y avait aussi André Kabyle, le Nîmois. Il jouait différemment à domicile ou à l’extérieur. C’était un défenseur dur, méchant. Je me rappelle un match avec le Paris FC à Nîmes. Michel Mézy qui était mon copain, était venu me voir à l’échauffement et m’avait dit de faire gaffe car "Bibyle" était fou. En fait, l’entraîneur, Kader Firoud, l’avait pris par les épaules avant le match en le tapant sur le mur en lui disant qu’il ne voulait pas voir Floch du match. Le premier ballon, nous sommes partis tous les deux sur la balustrade. A l’époque, les coups-francs n’étaient pas sifflés comme maintenant. Au match retour, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs au Parc des Princes. Il n’osait pas tacler. Et un mec qui ne taclait pas sur moi était "mort".
5 mars 1967, Louis Floch déborde André Kabyle lors de Stade Rennais-Nîmes Olympique (3-0) 3.
Tu as subi une grave blessure lors d’un match avec l’équipe de France junior en mars 1966 à Charleroi. Comment as-tu pu revenir au top niveau ?
C’était ma première saison en professionnel avec le Stade Rennais. Je devais jouer en équipe de France A mais les dirigeants de la fédération ont préféré me faire jouer un match avec l’équipe Junior. Ça m’aurait encore fait plus plaisir d’être sélectionné en équipe de France A en jouant à Rennes plutôt que de l’être quelques saisons plus tard, en jouant à Monaco qui jouait alors en Division 2. Lors de ce match avec l’équipe Junior, après quelques secondes de jeu, je suis arrivé aux 18 mètres pour frapper au but. Le gardien qui était sacrément costaud, est sorti très violemment et a plongé brutalement aux 18 mètres. Il a cogné dans ma jambe avec toute son épaule et je suis tombé en arrière en pleine course. Mon pied est parti derrière. Quand j’ai voulu me relever, je ne voyais plus mon pied. Le choc avait été d’une violence inouïe.
Le chirurgien, le Dr Brichart, qui assistait à ce match, m’a opéré à Charleroi d’une fracture tibia-péroné avec arrachement des ligaments de la cheville. Il m’a fait une opération extraordinaire. Il m’a dit qu’avec son opération, je pourrai rejouer même s’il ignorait que j’avais un mental aussi costaud. Si je n’avais pas eu ce mental, je n’aurais pas rejoué.
Loulou Floch en convalescence après sa grave blessure en compagnie de M. et Mme Pleyer
"Si j’avais pu faire toute ma carrière au Stade Rennais, je l’aurais faite"
Pourquoi as-tu quitté le Stade Rennais UC pour l’AS Monaco, alors en Division 2 ?
J’aurais toujours un regret dans ma vie, c’est le Stade Rennais. Si j’avais pu faire toute ma carrière au Stade Rennais, je l’aurais faite. Je serais resté. Je n’aurais jamais cherché à aller ailleurs. A l’intersaison 1969, Rennes avait besoin d’argent. Silvester Takac et moi avons été sollicités pour partir. Je n’avais pas d’agent, alors je n’ai même pas réfléchi. Les dirigeants voulaient me vendre alors je me suis dit : "bon bah je pars, même en Division 2".
Deux ans après, je jouais en Equipe de France tout en jouant en 2nde Division à l’AS Monaco. Jean Prouff est venu me voir jouer lors d’un match avec l’équipe de France. Il m’a demandé si je voulais revenir à Rennes. Je lui ai dit que je verrai cela plus tard. Sauf que la dernière année de mon contrat, il n’y avait pas que Rennes qui me voulait. Le président de Monaco m’a dit qu’il y avait une dizaine d’autres clubs qui souhaitaient me faire signer. . Rennes n’aurait jamais pu s’aligner sur les autres. J’ai trouvé très bizarre de m’avoir vendu et qu’à peine un an et demi après, le club soit revenu me rechercher.
Te souviens-tu de matchs joués avec un autre club au Stade de la Route de Lorient ?
Oui, je me rappelle surtout du quart de finale retour de la Coupe de France 1971 avec l’AS Monaco. Au match aller, nous avions gagné (NDLR : 02/05/1971 : ASM-SRUC (2-0)) chez nous dans l’ancien stade Louis II. Au match retour, d’après moi, 2 pénaltys n’ont pas été sifflés pour nous en tout début de match. Pierre Dell’Oste s’était fait descendre dans les 18 mètres : ça n’avait pas été sifflé. Puis quelques minutes plus tard, je m’étais engagé pour aller marquer. Le défenseur m’a tapé dans le pied sans que l’arbitre ne dise rien. Si nous avions marqué un ou deux pénaltys, cela aurait tout changé. Au final, nous avons perdu (NDLR : 05/05/1971 : SRUC-ASM (4-0)). Mais c’est bien car c’est Rennes qui a gagné la Coupe de France après. Nous n’aurions pas gagné.
Comment t’es-tu retrouvé à jouer avant-centre ?
J’ai commencé à jouer avant-centre avec l’AS Monaco quand ça ne tournait pas. On m’a mis avant-centre et là, j’ai marqué 10 buts en une demi-saison. J’aurais préféré jouer davantage comme avant-centre. Au Paris FC, j’ai commencé comme ailier droit, puis j’ai fini en pointe. A Rennes, je ne jouais pas avant-centre car il y avait des sacrés attaquants avec Daniel Rodighiero et Claude Dubaële.
Avais-tu un surnom lorsque tu jouais ?
On m’appelait Zorro suite à un match contre l’Espagne à Valence (NDLR : 17/03/1971 Espagne-France (2-2) Amical). Je m’étais échauffé tranquillement. Au bout de 10 minutes, Charly Loubet se blesse et le sélectionneur me dit de rentrer. Je suis donc rentré sur le terrain sans quasiment m’échauffer. Je rentre, je déborde, je centre et Hervé Révelli marque directement. En 2nde mi-temps, je déborde, je centre sur Hervé Révelli qui marque de nouveau (0-2). Après, Georges Carnus avait fait un malheur dans les buts et nous avions quand même été repris (2-2).
"Si M. Pleyer n’avait pas été là, tous les joueurs Rennais se seraient retrouvés en garde à vue"
As-tu une anecdote ou des anecdotes sur votre période Rennaise que vous pouvez partager ?
Je peux raconter cette anecdote maintenant car il y a prescription. J’étais un gars très très sérieux. Un jour, M. Prouff nous dit que nous allions faire une sortie avec tous les joueurs au Mont Saint-Michel. J’y étais allé avec M. Pleyer. Il n’y avait que les joueurs, M. Prouff et M. Pleyer. A la fin du repas, M. Prouff a proposé d’aller faire un petit tour à Saint-Malo. Moi, je suis rentré avec M. Pleyer à Rennes. Je suis allé me coucher directement. En pleine nuit, le téléphone a sonné. J’entendais M. Pleyer, qui était d’origine autrichienne et qui parlait très fort, il proférait des jurons, puis il est parti se changer. Quelques minutes après, je l’ai entendu claquer la porte et partir. A 8h, quand je me suis levé, j’étais étonné de ne pas voir M. Pleyer. En fait, il était retourné à Saint-Malo en pleine nuit. Il y avait eu des problèmes. Les joueurs avaient voulu rentrer dans une boîte de nuit à Saint-Malo mais les videurs avaient refusé et il y avait eu de la bagarre. Si M. Pleyer n’avait pas été là, tous les joueurs Rennais se seraient retrouvés en garde à vue. Le lendemain après-midi, il y avait entraînement, moi j’étais tout frais alors que les autres étaient complètement morts.
Viens-tu de temps en temps au Roazhon Park ?
Je ne vais pas régulièrement au Roazhon Park. Je suis devenu pépère. Mon petit-fils m’a dit qu’il voulait venir avec moi voir le Stade Rennais. Il est suivi par des clubs de l’Ouest mais moi j’aimerais bien qu’il puisse intégrer le Stade Rennais. J’ai donné un coup d’envoi il y a quelques années contre Monaco. J’ai été très déçu par le comportement d’un joueur de Monaco : c’est Jérémy Toulalan. Je savais qu’il avait des origines à Plougonven (29). C’était le seul qui était du coin. Je suis allé le voir à l’échauffement pour lui parler et il m’a écouté 2 secondes. Puis il s’est éloigné. J’ai espéré qu’il perde.
"Moi, mon club, c’est Rennes"
Pourquoi avoir écrit un livre ?
J’étais invité partout sur les courses de vélo. J’ai rencontré un écrivain, Daniel Kerh, qui m’a encouragé à écrire ce livre. Un jour, il a fait un article sur les bénévoles dans le vélo. Mon amie l’a lu et m’a dit que s’il y avait un livre à faire, c’était avec lui. Un jour, il est venu à la maison et je lui ai dit : "ok, on le fait."
"Loulou Floch, Légende du football Breton" de Daniel Kerh aux éditions LOCUS SOLUS
Quel a été l’accueil des supporters Rennais lors de tes retours au Parc des Sports de la Route de Lorient avec d’autres équipes ?
J’ai toujours été bien accueilli par le public Rennais lors de tous mes retours avec d’autres clubs, même quand je suis venu jouer avec le Stade Brestois.
La seule fois, où j’ai été mal accueilli, c’était à Guingamp (NDLR : 31/08/1975 : En Avant Guingamp – Paris SG (2-5) amical). L’équipe première du Paris SG ne jouait pas. Just Fontaine nous a demandé à moi et à Mustapha Dahleb d’aller jouer avec l’équipe amateur pour nous aider à revenir en forme après une blessure. "Moumousse" et moi étions super copains. Nous étions toujours ensemble. Nous sommes rentrés sur le terrain pour l’échauffement tous les 2 avec tous les jeunes du centre de formation. Nous nous sommes fait siffler tous les deux par le public Guingampais comme jamais. En rentrant aux vestiaires, nous nous sommes dit qu’il fallait que nous leur en mettions quelques-uns. Nous sommes revenus sur la pelouse et effectivement nous leur en avons mis quelques-uns. Mais ça m’a fait mal de me faire siffler à Guingamp, à côté de chez moi.
Qu’as-tu fait par la suite jusqu’à la retraite ?
Ne jouant plus au Paris Saint-Germain alors qu’il me restait encore 2 ans de contrat, j’ai dit aux dirigeants du Paris SG que s’ils me payaient mes deux dernières années de contrat, je partais. Une semaine après, ils m’ont dit ok. Je ne pensais pas que je pourrais rejouer. Un de mes amis m’a dit que la Maison de la Presse de Roscoff était en vente. Je me suis dit que c’était un placement. Je l’ai eue en début de l’année 1977. C’est à ce moment que le Stade Brestois est venu me chercher. Je n’avais que 28 ans. J’ai donc tenu cette Maison de la Presse tout en jouant en Division 2 au Stade Brestois.
Aujourd’hui, quel club supportes-tu ?
Moi, mon club, c’est Rennes ! Des gens me disent que j’ai joué à Monaco, que j’ai joué à Paris. Mais moi j’ai joué à Rennes ! C’est là que tout a commencé. Je supporte évidemment encore le Paris SG mais c’est le Stade Rennais d’abord.
17 décembre 2018 : Loulou Floch, chez lui à Roscoff.
● 1 Entrevue ROUGE Mémoire de Louis CARDIET
● 2 Tweet : SRUC-FCSM (3-2) du 23 février 1969
● 3 Tweet : SRUC-NO (3-0) du 5 mars 1967
● 4 Tweet : SRUC-ASM (3-0) du 5 mai 1971
● 5 Livre : Loulou FLOCH, légende du football breton
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Entrevue réalisée par @Mattcharp