Entrevue Mickaël PAGIS

ROUGE Mémoire vous propose une entrevue mémoire exclusive de Mickaël Pagis réalisée le mardi 30 juin 2015. Joueur d’instinct qui a souvent fait chavirer de plaisir le Stade de la Route de Lorient, l’ex-attaquant du Stade Rennais revient sur ses années en Rouge et Noir, son après carrière mais aussi sa philosophie du ballon rond à l’approche des premières journées de découverte de beach soccer qu’il organise en ce mois de juillet au Cap Multisports de la Mézière.

Son parcours comme joueur du Stade Rennais

Tu arrives au Stade Rennais en 2007 quelques semaines après que le club ait manqué une qualification pour la Champion’s League à la dernière journée. Quelle ambiance découvres-tu au club à ce moment-là ?

Dès mon arrivée, j’ai ressenti cette grosse déception de la fin de saison précédente. À Marseille, je ne jouais plus et l’entraîneur ne comptait plus trop sur moi. J’étais en pleine force de l’âge. Il n’était pas question pour moi de passer six mois ou un an sur un banc. Où que ce soit, ma volonté était de jouer. Quand le Stade Rennais m’a sollicité, j’ai eu des souvenirs de matches joués Route de Lorient avec les équipes de jeunes de mon club formateur, Laval. Le Stade Rennais dans la région c’est le club phare donc je ne me suis pas posé de questions. Par rapport à mon âge, cette signature à Rennes me permettait de revenir dans l’Ouest après des passages dans l’Est, dans le Sud et même en Corse. Ainsi, je pouvais retrouver mes racines en restant trois ans voire plus avant d’arrêter ma carrière.

En arrivant, quel rôle te propose-t-on ?

C’est Pierre Dréossi qui était au poste d’entraîneur et d’entrée il m’a fait jouer attaquant et seul. J’avais l’habitude de jouer avec un autre joueur à mes côtés qui prenait plus la profondeur. Un rôle qui permettait de décrocher et d’être à la fois buteur et passeur. Donc à ce poste esseulé, je n’étais pas du tout à l’aise. Mes débuts rennais ont été difficiles, le public m’a pris un petit peu en grippe. Personnellement j’étais frustré car pour moi le football c’est avant tout du plaisir et là quand j’entrais sur le terrain je savais que cela allait être compliqué.

Lors de la 11ème journée, tu ouvres enfin ton compteur but lors de la réception du Mans.

Sur le moment, ce but fait plaisir et permet de se dire que c’est un cap de franchi. Mais le foot, c’est une éternelle remise en question. Quel que soit le déroulement du match présent, j’ai toujours eu en tête qu’il fallait déjà penser au suivant. À partir du moment où je marque un but après un temps d’attente assez long, je savais que ce n’était pas une fin en soi mais plutôt un départ pour faire taire les critiques.

Ton association avec Jimmy Briand, te permet d’atteindre ta plénitude.

J’avais une bonne complémentarité avec Jimmy Briand. C’est un joueur qui me correspondait. Je lui libérais de l’espace ce qui lui permettait de bien s’exprimer dans son rôle et vice versa. Dans le foot, c’est la complémentarité que l’on doit réussir à trouver. Ce duo m’a rappelé ce que j’avais trouvé à Sochaux avec Pierre-Alain Frau ou Santos, à Strasbourg avec Mamadou Niang, à Nîmes avec Frédéric Fouret et à Ajaccio avec Patrick Van Kets. Dans chacun de mes clubs, j’ai réussi à constituer un duo avec un attaquant au profil bien différent du mien.

Après un début de saison très difficile en 2007/2008, le Stade Rennais décroche finalement une qualification pour l’Intertoto à la dernière journée. Comment expliques-tu cette remontée ?

Il y a eu un changement d’entraîneur fin 2007. Je l’ai mal vécu au départ parce que j’avais des antécédents avec Guy Lacombe. Quand j’ai appris son arrivée, je me suis dit « ça tombe mal, malheureusement pour moi, je ne vais pas faire long feu ici. » Finalement, on s’est rencontrés dès son arrivée et on a mis les choses au point. Autant sur le plan humain, j’avais beaucoup de mal avec lui, autant sur le plan du jeu il savait me faire évoluer. Il a réussi à mettre des choses en place qui m’ont permises d’être efficace individuellement. Les résultats collectifs ont aussi été au rendez-vous.

Tu marques beaucoup lors cette de fin de saison 2007/2008. Tu te souviens d’un but en particulier ?

Contre Toulouse, je me souviens d’un but que j’avais marqué à Nicolas Douchez, qui est ensuite devenu mon coéquipier à Rennes. C’est un but à l’instinct, j’étais un petit un peu en avance par rapport au ballon. Il fallait tenter quelque chose car c’était proche du but avec beaucoup de défenseurs. Le geste s’imposait, ce n’était pas une figure de style mais le geste adapté à la situation. Ma « Madjer » a mis tout le monde dans le vent.

En 2008/2009, vous débutez par une campagne Intertoto, quel souvenir en gardes-tu ?

Je ne m'en souviens pas vraiment… À partir du moment où on se lance dans une compétition, on a forcément envie de réussir pour basculer en UEFA. Ma philosophie a toujours été de ne pas choisir mais de jouer les matchs pour les gagner.

Lors de cette saison-là, le Stade Rennais réussit une série record de 18 matches sans défaite en Ligue 1.

Une série comme celle-là démontre qu’on est à notre niveau maximum. C’est la récompense d’un travail de plusieurs mois. Après, on s’est pris au jeu pour faire durer le plus longtemps cette série d’invincibilité.

Cette série s’arrêta sur la pelouse du LOSC.

Villeneuve d’Ascq ce n’est vraiment pas un stade qui me donnait envie de jouer au football. J’ai toujours trouvé difficile de jouer là-bas.

Le triplé contre Lyon, un moment mémorable pour toi ?

Que retiens-tu du parcours jusqu’en finale de Coupe de France en 2009 ?

Comme tous les parcours, plus on avance, plus on a envie d’accrocher une place en finale. Ces matches on les prépare d’une manière différente. Individuellement, on était bien préparés pour bien figurer dans cette coupe.

En début d’année 2009, Jimmy Briand se blesse gravement au genou. Tu te retrouves sans ton compère d’attaque.

Des grosses blessures comme celle-là ne tombent jamais bien mais là Jimmy était en pleine progression. Je me suis senti un petit peu orphelin. Même si Moussa Sow avait toutes les qualités pour jouer dans ce rôle, le coach ne l’alignait pas souvent à la pointe de l’attaque. À partir de ce moment-là, je n’ai plus beaucoup joué.

En finale contre Guingamp, tu étais sur le banc et ton nom est descendu des tribunes en fin de match. Chose que n’avait pas apprécié ton coach Guy Lacombe.

J’ai trouvé ça aberrant car j’avais rien fait pour en arriver là. Je suis quelqu’un comme tout le monde, abordable qui entre sur le terrain pour apporter ce qu’il sait faire. Visiblement, cela ne plaisait pas au coach. Je n’ai pas joué cette finale alors que j’estimais avoir ma place dans cette équipe. J’avais disputé six finales d’affilée, c’était une expérience non négligeable pour aborder ce match bien que j’étais à court de compétition. Quand on est supporter, on pense que cela va passer contre Guingamp. Mais avec un statut de favori, il faut savoir aborder ce type de match à enjeu. L’ambiance était extraordinaire. Après la déception de la défaite, l’après-match a été catastrophique de la part de notre entraîneur. On a le droit d’être déçu mais il faut savoir rester digne.

Avec qui étais-tu le plus proche dans le vestiaire rennais ?

La personne avec laquelle je m’entendais le mieux c’était Bruno Cheyrou. On était côte à côte dans le vestiaire et on ressentait le foot un peu de la même manière. Bruno est quelqu’un de bien sur qui on peut compter. J’ai gardé peu de contacts dans le football mais j’ai toujours des contacts avec lui. Il y a eu de belles rencontres aussi avec Petter Hansson ou Carlos Bocanegra. Ce sont des mecs plus à l’aise que les Français pour parler les langues étrangères.

Frédéric Antonetti remplace Guy Lacombe pour la saison 2009/2010.

Je n’avais pas d’a priori. Je ne me suis pas vraiment posé de questions avec l’arrivée de Frédéric Antonetti car j’estimais que tout repartait de zéro et que c’est le terrain qui allait parler. Dès le départ, j’ai eu une discussion avec lui. Il m’a alors expliqué qu’il ne comptait pas sur moi et que j’étais libre de partir. J’ai voulu rester car je pensais pouvoir aider l’équipe. J’avais la volonté de terminer ma carrière au Stade Rennais. Il a donné son accord pour que le terrain décide… Au final, j’ai vécu une saison blanche, je m’entrainais tous les jours à cent pour cent y compris le dimanche, comme je ne jouais pas les matches. Au bout d’un certain nombre de rencontres, il me mettait sur le banc. Accompagné l’équipe le week-end en mises au vert en plus des déplacements pour ne jamais entrer en jeu, j’en avais ras le bol. J’ai alors eu une nouvelle discussion avec lui pour lui expliquer que s’il ne comptait pas du tout sur moi, il pouvait me laisser à la maison. Et il l’a fait !

Entre-temps, tu marques un dernier but à Lille en Coupe de la Ligue.

Je ne me rappelle pas du but en lui-même mais plutôt que ce match m’avait fait un bien énorme intérieurement. Dans une saison blanche, être titulaire et marquer, cela démontre que j’ai bien travaillé à chaque entraînement et que malgré le manque de rythme j’étais resté droit.

Lors de la dernière réception de la saison contre Nice, tu entres en jeu.

On me fait entrer vingt minutes pour dire « merci pour ta carrière » et pour faire plaisir au public. Il n’y avait plus rien à jouer, ce n’était pas un effort de la part du coach que de m’offrir cette entrée en jeu. Dans ce match, j’ai une occasion du bout du pied qui passe de peu à côté. C’est l’image dont je me souviens. Cela aurait été un joli clin d’œil de terminer sur un but devant un public qui m’a montré qu’il avait fini par m’apprécier.

Tu mets un terme à ta carrière à l’issue de la saison 2009/2010.

J’avais eu un an pour me préparer à ma fin de carrière. J’ai eu quelques propositions mais ce n’est pas allé bien loin. L’objectif était plus de rester dans la région, je n’avais plus envie de bouger donc j’ai dit stop.

Sa philosophie du football

Comment vivais-tu la joie du buteur ?

Je n’étais jamais été un grand expressif parce que j’ai toujours en tête : « ok on marque mais le match n’est pas fini. » Il faut penser à la suite et rester concentré. Avec le recul, je me dis que c’est dommage de ne pas avoir plus profité de ces moments mais c’est mon état d’esprit. Intérieurement évidemment je bous mais je ne suis pas un expressif…

Dans quel état d’esprit allais-tu aux entraînements ?

Les entraînements, j’ai toujours aimé ça. Ils permettent de travailler des choses acquises mais qui sont efficaces. C’est aussi l’occasion de tenter des choses qui pourraient fonctionner en match. Aux entraînements, j’ai toujours essayé de travailler la complémentarité avec mon partenaire d’attaque notamment en reproduisant des petits regards. Parfois aussi en mettant un ballon à un endroit où je savais très bien qu’il n’y serait pas mais que la fois suivante il allait y aller.

Comment définirais-tu devais ta vision du football ?

Pour moi le football a toujours été un plaisir. Je ne me suis jamais posé trop de questions vis-à-vis des contrats ou des objectifs individuels. Mon seul objectif quand j’évoluais en National, c’était de jouer au plus haut-niveau en Ligue 1. J’ai découvert l’élite assez tard mais j’ai réussi à durer. Je cherchais avant tout des complémentarités au sein de groupes soudés aussi bien sur qu’en dehors du terrain. J’ai passé de bons moments après les matches à Sochaux et Strasbourg. À Rennes, cela a été une drôle de coupure puisqu’après les matches, il n’y avait rien. Je trouvais cela dommage car je pense que ces moments hors du foot créent une force supplémentaire. En termes de jeu, aujourd’hui on aborde les matches pour ne pas prendre de but et, sur un malentendu, marquer et faire un bon résultat. C’est une philosophie à laquelle je ne d’adhère pas. On ne peut pas engueuler quelqu’un qui tente une frappe. Il faut de la prise de risques, il faut tenter des choses et aller de l’avant. S’il y a un peu de déchets, ce n’est pas grave car le jour où cela marche, on prend les défenseurs à défaut et on fait la différence.

Sa passion du beach soccer

Depuis la fin de ta carrière, tu t’es lancé dans le beach soccer.

À l’issue de ma carrière, j’ai continué avec l’équipe de France de beach soccer. C’est une discipline que j’ai découverte quand j’évoluais en Corse avec Pascal Olmeta. Il était mon coéquipier au Gazélec Ajaccio et il organisait des matches de gala auxquels il m’avait convié. J’avais adoré. J’ai alors croisé Éric Cantona et son frère Joël qui étaient les promoteurs du beach en France. En 1998, Éric Cantona m’avait dit qu’à l’issue de ma carrière de joueur je devais venir jouer au beach avec son équipe. C’est resté dans un coin de ma tête jusqu’en 2010. Il était alors devenu sélectionneur de l’équipe nationale de beach et a fait appel à moi. J’ai passé quatre années en équipe de France dont les deux dernières comme capitaine aux côtés notamment d’anciens pros comme Jean-Christophe Devaux, Yannick Fischer ou Frédéric Mendy. Au-delà du sport que j’apprécie comme le foot voire même peut-être plus, ce sont des supers aventures humaines aux quatre coins du monde. C’est plus festif, plus fun et plus décontracté que le foot même si cela n’empêchait pas d’avoir des ambitions.

Et maintenant tu fais la promotion du beach soccer ?

C’est un sport qui me tient vraiment cœur et je tenais à faire quelque chose pour le promouvoir et partager ma passion. C’est pourquoi j’organise des stages de découverte du beach pour les 11 à 16 ans à compter de cet été. C’est en préparation depuis le mois d’octobre 2014 et la première journée a lieu le mardi 7 juillet au Cap Multisports de la Mézière.

Que comptes-tu transmettre lors de ces journées de découverte.

L’objectif avant tout est de partager ma passion du beach soccer et surtout de faire connaître ce sport. Quand on parle de beach, on pense tout de suite au bord de plage. Hors, les grandes compétitions se jouent dans le centre des villes comme l’Euro à Moscou ou à Rome sur de grandes places où sont posés un terrain de sable et des tribunes. Mon idée était de le faire à Rennes parce que c’est là que je vis et surtout il y a un vivier de jeunes joueurs très intéressant. En plus de faire découvrir la discipline, je vais aussi montrer des techniques spécifiques car les appuis sont différents sur le sable. Je veux voir si sur une journée de découverte, je parviens à transmettre ma passion aux jeunes et à leur apprendre quelques trucs propres au beach. Le tout dans un environnement musical et les pieds dans le sable. C’est un jeu très offensif qui me correspond bien. Cela va d’un but à l’autre et à 30 secondes de la fin d’un match, on peut être mené de trois buts et finalement gagner. Outre les oppositions entre équipes, je propose lors de ces journées de découverte un petit challenge devant le but qui me plaît beaucoup. À l’issue des stages, je ferai un bilan pour améliorer les journées de découverte version 2016.

Pourquoi le choix du Cap Multisports de la Mézière ?

Je venais m’y entraîner tout seul lorsque j’étais en équipe de France de beach soccer. J’ai trouvé extra d’avoir ce complexe sur Rennes. En discutant avec le propriétaire des lieux Samuel Gallerand, on a choisi d’y proposer plus de sport avec le beach notamment.

Sa reconversion

Une carrière d’entraîneur de football c'est possible ?

Effectivement, j’ai aussi passé des diplômes d’entraîneur avec l’obtention du BE et j’ai commencé le DEF sans le terminer pour le moment. En parallèle, j’étais en stage de formation avec le Stade Rennais au sein du groupe CFA où j’ai fait du travail spécifique « attaquants » durant trois saisons.

Tu suis toujours le football professionnel ?

Je ne regarde plus beaucoup de matches. J’en regardais plus durant ma carrière pour juger les adversaires notamment. Je m’ennuie un petit peu à regarder un match pendant une heure et demi avec cet aspect défensif que l’on rabâche tout le temps. On oublie complètement l’aspect offensif.


Accéder à la fiche de Mickaël Pagis (chiffres, photos et vidéos)