Entrevue Patrick FRÉTEL

Arrivé au Stade Rennais FC par un heureux concours de circonstances en 1995, Patrick Frétel a pris sa retraite en août 2012. Secrétaire général puis directeur de l'organisation, l'accueil et la sécurité du club, Patrick Frétel a reçu ROUGE Mémoire au cinéma l'Arvor à Rennes le 10 septembre 2012 pour évoquer ses 17 années passées avec les Rouge et Noir. Avec passion, philosophie et dictons à l'emporte-pièce, il revient sur son vécu Rouge et Noir, ROUGE Mémoire n'a eu qu'à poser la première question pour obtenir 1h30 de réponses…

"Le président Ruello me demandait de structurer le club en entreprise"

Avant de rejoindre le Stade Rennais FC. Que faisiez vous, quelle était votre histoire avec le club ?

Je n’avais aucune histoire avec le Stade Rennais Football Club avant de le rejoindre le 17 octobre 1995. Auparavant, j’étais chef d’entreprise à Rennes dans un domaine qui n’a rien à voir avec le sport, puisqu’il s’agissait de la mécanique de précision. Je ne suis pas Rennais d’origine puisque né à Clamart en région parisienne, de parents originaires de la région du côté de Tremblay, Saint-Brice, Antrain. Je suis à Rennes depuis 1967 donc je me considère au moins comme Rennais d’adoption. Le football, je regardais ça de très loin avec la vie trépidante d’un chef d’entreprise. Parallèlement à mon activité professionnelle, j’ai toujours eu des activités associatives. Dès l’âge de 17 ans, je suis tombé dans la marmite de la vie associative. Cette vie m’a formé avec des gens qui ont su me donner des coups de pied aux fesses et me faire prendre des responsabilités.

Comment débarquez vous au SRFC ? Qu'est ce qui vous plaisais dans ce projet ?

Mon arrivée est liée à un hasard de rencontres. À l’époque, le Stade Rennais Football Club était une Société Anonyme d’Économie Mixte Locale, créée en 1988 sous l’impulsion d’Edmond Hervé, le maire de Rennes. La plaisanterie de l’époque était : "Quelle est la petite bête rouge et noire qui monte et qui descend ?" Lorsque Alfred Houget était le président, il y a eu le dépôt de bilan, la création de la SAEML et toute une mobilisation autour du Stade Rennais avec différentes structures comme le club des 2000, l’association des développements-promotions ou encore le comité de sauvegarde. Beaucoup de personnes de la ville voulaient que le club perdure. En 1995, la présidence du SRFC est conduite par René Ruello au sein d’un directoire de cinq personnes avec Jean Celbert, Gérard Pourchet, Louis-Jean Jéhannin et Yves Lebert. Le trait d’union de mon histoire avec le Stade Rennais est Gérard Pourchet, un ami de longue date, ancien maire du Rheu, militant de la vie associative et aujourd’hui décédé. C’est lui qui, un jour, m’appelle en m’indiquant que le président René Ruello a demandé à ses membres d’approcher quelqu’un de susceptible de rentrer comme administratif au Stade Rennais, afin de structurer et mieux organiser le club. Le directoire m’a donc choisi parmi plusieurs candidats et je suis arrivé au club en octobre 1995 comme secrétaire général.

Quels est votre rôle et vos objectifs en tant que Secrétaire Général du SRFC ?

C’est un poste que j’ai créé de toutes pièces à l’époque du directoire, qui était l’exécutif du club et du conseil de surveillance présidé par Jeannine Huon. Je débarque alors dans un milieu que je ne connaissais pas. Le président Ruello me demandait d’organiser, de structurer le club en entreprise et de lui donner une architecture. Ce qui m’intéressait était d’apporter mon grain de sel parce que j’ai toujours aimé organiser, gérer, diriger. Alors je me suis dit : "Pourquoi pas ?". Mais, effectivement, je ne suis pas arrivé là par passion du ballon rond, d’ailleurs je ne sais pas jouer au football, je ne savais pas avant et je ne le sais toujours pas maintenant. Néanmoins, je dis toujours que l’on ne peut pas venir travailler dans le sport si l’on n’aime pas le sport. Personnellement, j’ai toujours fait du sport, notamment du handball.

À cette époque, le club est tout fraîchement de retour en D1. Comment était le Stade Rennais FC de l'époque ?

J’ai découvert ce milieu et toutes les personnes qui étaient au club. J’ai donc suivi toute l'évolution de la Société d’Économie Mixte avec des pratiques internes qui pouvaient être encore "amateurs" à certains moments. Mon rôle était de dynamiser tout ça et de remettre les pendules à l’heure dans certains secteurs. À l’époque, c’était un virage pour la plupart des clubs français. En décembre 1995, c’est l’arrêt Bosman qui – malgré le fait que son combat était juste – vient un peu déréglementer le monde du football, en particulier les transferts et les salaires. À partir de 1995 et les années qui suivent, les clubs se structurent et deviennent de véritables entreprises. Lorsque je suis arrivé au club, au niveau administratif et commercial, il devait y avoir dix salariés, il a même fallu que je me trouve un bureau et un ordinateur. Ça parait iconoclaste aujourd’hui mais notre secrétaire de l’époque me disait : "C’est curieux M.Frétel, vous ne parlez jamais de club mais toujours d’entreprise." Je lui répondais qu’elle verrait que le club c’est une entreprise ! Lorsque j’arrive pour bouleverser l’ordonnancement, certains voient ça d’un bon œil, d’autres freinent des quatre fers parce que la nature de l’homme est ainsi faite, nous avons toujours un peu peur du changement. Mon rôle a été de rassurer les uns, les autres, de faire preuve de pédagogie. Un certain nombre s’est parfaitement adapté, d’autres ont eu plus de mal et nous ont quittés. Le tout était de faire cela en respectant les uns et autres.

"Au départ, je faisais de tout au club : la vaisselle, la lessive et les œufs durs"

Je me souviens aussi que le stade était ouvert à tout vent et que n’importe qui pouvait y entrer pour y promener son chien, jusqu’au beau milieu de la pelouse de la Route de Lorient. Nous retrouvions aussi du monde aux entraînements, tout juste si nous ne les récupérions pas dans les douches (rires). Cette proximité était fort sympathique mais difficile à concevoir dans l’objectif de devenir une entreprise. Lorsque nous avions décidé de fermer le stade, qu’est-ce que nous n’avons pas entendu ! Les supporters disaient que nous voulions les mettre dehors, que c’était intolérable… Nous avions de petits bureaux administratifs alors que la section amateurs avait une salle énorme, qui ne servait que de temps en temps. En faisant évoluer cela, j’en ai encore entendu des vertes et des pas mûres. Les bénévoles ont fait le club et il faut les respecter. Quelques mois après mon arrivée, Alfred Houget m’avait fait un compliment en me disant : "M. Frétel, vous avez vraiment fait tout ce qu’il fallait pour connaître l’histoire du club, pour la faire vôtre et nous avons l’impression que vous êtes là depuis toujours." L’histoire doit faire avancer, nous devons nous en nourrir car lorsque nous arrivons aux manettes d’une nouvelle structure, il ne faut jamais oublier le passé et tout ce qui a précédé, il faut être respectueux de ce qui a été fait. Nous avons vécu des périodes extrêmement difficiles et je n’aurais pas passé 17 ans au SRFC sans avoir respecté cette histoire. Au contraire, l'histoire doit nous propulser pour faire fructifier le travail de ces femmes et hommes qui nous ont précédés.

N'étiez vous pas un peu l'homme à tout faire ?

Bien sûr ! Au départ, je faisais de tout au club : la vaisselle, la lessive et les œufs durs. Je me suis occupé des déplacements avec les hôtels, les réservations d’avion. Avec Yannick Boizard, nous nous étions répartis les tâches dans ce domaine, en bonne intelligence. À l’époque, il n’y avait pas de service juridique au club donc il fallait savoir s’entourer de personnes de confiance. Je me souviens aussi qu’avec Gérard Lefillâtre (NDLR : directeur sportif jusqu’en 2002) ou en son absence, j’avais fait des contrats de joueurs et le suivi au niveau juridique. Ces périodes sont compliquées et riches à la fois, sans oublier de préciser qu’il est bon de faire évoluer la structure avec des personnes adaptées à chacun des rôles. Petit à petit, sous la direction de René Ruello, c’est moi qui ai déposé pour la première fois le logo du club avec Jean Celbert. Ce qui n’a pas été sans mal ni sans faire réagir l’association Stade Rennais générale qui possède les autres disciplines sportives séparées du football depuis 1972.

Changement au club en 1998, François Pinault arrive comme actionnaire majoritaire.

En 1998, c’est la fin de la SAEML, où les dirigeants ne pouvaient absolument pas être rémunérés en tant que bénévoles. La ville de Rennes a eu la volonté de se dessaisir du Stade Rennais Football Club et l’arrivée de François Pinault en qualité d’actionnaire a fait muter la SAEML en Société Anonyme à Objet Sportif (SAOS) sous la présidence de Pierre Blayau. Ce dernier faisait son retour au club après un passage éclair au conseil de surveillance en 1994-1995. Il remplaçait René Ruello qui, après dix ans de présidence, avait atteint les objectifs fixés par le maire de Rennes Edmond Hervé, à savoir maintenir le club en 1ère division et assurer l’équilibre du club. Le club, par François Pinault, a alors racheté l’ensemble des actifs pour devenir propriétaire du club via une société filiale à 100 % d’Artémis qui se nomme EPS (Européenne pour la Promotion du Sport). En 2000, René Ruello fait son retour à la présidence avant Emmanuel Cueff en 2002 puis Frédéric de Saint-Sernin en 2006. Patrick Le Lay, de 2010 à 2012, et le retour de Saint-Sernin en 2012. C’est avec ce dernier que j’ai terminé ma carrière au SRFC. J’ai donc connu 7 présidences différentes durant mes 17 ans de carrière au club. Quand on est secrétaire général comme moi, on est un peu sur un siège éjectable et, pourtant, les présidents qui se sont succédé m’ont fait confiance.

"Le public est dans une relation passionnelle donc irrationnelle vis-à-vis du club"

En 1999, vous devenez Directeur de l'organisation et responsable sécurité. Comment accueillez vous ces nouvelles fonctions ?

Je disais toujours que ce poste de directeur de l’accueil, de l’organisation et de la sécurité est un poste dans lequel nous avons les mains dans le cambouis tandis que le poste de secrétaire général est plus dans la représentation, la cohésion sociale d’entreprise et de relations extérieures dans les instances. Le responsable sécurité met en place les matches à domicile et a sous sa responsabilité entre 400 et 600 personnes, allant des stadiers, aux agents de sécurité, en passant par le service médical, les buvettes, les espaces VIP, les hôtesses… Cette fonction amène à être en rapport permanent avec les "corps constitués" comme le préfet, le colonel du SDIS, le Conseil Général, le Conseil Régional, etc. Dans cette fonction, le maître mot, pour moi, a toujours été d’inscrire le SRFC dans le bassin d’emploi que représente la métropole. Inscrire aussi le club dans cette démarche entrepreneuriale et d’entreprise afin qu’on perçoive vraiment le club comme une entreprise qui amène sa petite pierre à l’édifice du bassin d’emploi. J’ai toujours voulu faire en sorte que la voix du Stade Rennais soit une voix entendue et comprise par les autorités en tant qu’entreprise citoyenne avec des valeurs à défendre et aussi en tant qu’acteur économique. L’objectif étant d’être sur la même longueur d’ondes avec les autorités pour que le match se déroule correctement quelle que soit l’issue sportive de la rencontre. Tous ceux qui rentrent au stade doivent en ressortir sans aucun problème, c’est le maître mot qui m’a guidé dans cette fonction.

Le Stade de la Route de Lorient en réfection, la réception de la Juventus en Intertoto en 1999 a été un événement marquant pour le club. Avez vous des souvenirs particuliers sur cette période ?

C’était la Juventus de Zidane, c’était extraordinaire d’organiser cet événement mythique. Il y avait eu un hall du parc expo qui avait été ouvert avec retransmission du match sur grand écran. À cette époque, le stade faisait 19.500 places dont seulement 7000 assises et nous n’avions pas les mêmes pratiques commerciales. C’est le plus grand souvenir de matches européens au stade, avec les deux matches contre le Celtic et l’Atlético en 2011-2012, quelle ambiance avec de très belles affluences. Pour en revenir au stade en réfection, c’est cinq ans de travaux débutés en 1999 jusqu’en juillet 2004. Je me rappelle que je disais que c’était le stade de France le plus long en travaux… Mais tout a été complexifié par le fait que le projet qui a été retenu par la collectivité était un stade de 20.000 places et que nous n’avons eu de cesse de le faire progresser. La tribune Ville de Rennes n’avait pas été recouverte en perspective de ces évolutions comme la tribune Route de Lorient qui ne devait pas être touchée. Ainsi, nous sommes parvenus à ce stade de 30.000 places qui va fêter ses 100 ans en octobre 2012. L’arrivée de François Pinault a dynamisé les choses. Ce qu’il faut retenir de cette période compliquée, c’est que le Stade Rennais FC a joué tous ses matches au Stade de la Route de Lorient et nulle part ailleurs, et ça c’est une prouesse. Nous avions animé les tribunes en travaux avec des trompe-l’œil avec de faux spectateurs. Tous ceux qui y viennent nous le disent, le résultat est bon car c’est notamment un stade à l’anglaise avec des spectateurs proches de la pelouse. De plus, le Stade Rennais FC y est chez lui en tant que locataire unique depuis le 1er janvier 1999. Depuis ce jour, aucun employé de la ville n’intervient dans le stade, ce sont uniquement des salariés du club ou des entreprises que nous commanditons qui interviennent. La société Stade Rennais Football Club a beaucoup investi dans le Stade de la Route de Lorient.

Vous devenez finalement l'interlocuteur privilégié des groupes de supporters. Quels types de relations avez vous entretenu avec eux ?

De très bonnes relations. Je dis toujours que lorsqu’il y a du respect de part et d’autre, rien de grave ne peut arriver. Chez nos amis supporters et parmi les plus jeunes, il y a ce côté rebelle à l’autorité. Le tout est de faire comprendre qu’il y a des choses tolérables et d’autres complètement intolérables parce que l’ensemble des jeunes que j’ai en face de moi ont l’âge d’être mes gosses mais je ne suis pas leur père. Il n’y a rien de plus désagréable que de recevoir un jeune de 23 ans dans son bureau qui vient chialer parce qu’il lui est arrivé quelque chose et que cela lui ferme beaucoup de portes. La vie est suffisamment compliquée pour ne pas en rajouter. Nous sommes dans un rapport hiérarchique en tant que Stade Rennais et, forcément, il y a des sanctions qui tombent. Ce n’est pas parce qu’on est supporter d’un club qu’il faut handicaper sa vie future, sa vie professionnelle ou familiale. Le club n’appartient pas aux supporters. Ils en sont des acteurs majeurs et c’est pour ça que les groupes de supporters sont reconnus par le club et qu’il y a des rapports privilégiés. C’est difficile, car dans le football, le public dans son ensemble se trouve dans une relation passionnelle donc irrationnelle vis-à-vis du club et si on n'y prend pas garde, on vire au fanatisme. C’est un triptyque très sulfureux qui fait le charme, l’atypisme mais aussi les dérives du football. Nos clients, en l’occurrence les supporters, vivent une relation passionnelle. Cela n’existe nulle part ailleurs.

"Je suis parti à la retraite discrètement devant 20000 personnes"

Le plus important est de privilégier le dialogue, la pédagogie et quand nous disons que nous allons faire quelque chose, il faut le faire car c’est seulement comme cela que l’on arrive à être respecté. Personnellement, je respecte beaucoup les groupes de supporters, je leur dit "Chapeau" pour ce qu’ils arrivent à produire en tribune après de longues séances de remue-ménage ou pour traverser la France pour assister à des matches. D’ailleurs, j’ai reçu une fois un œuf - qui n’était pas cuit - lors d’un Rennes-Nantes en 1996-1997 devant la tribune du RCK. Je n’étais pas content et je l’ai fait savoir entre quatre yeux avec les responsables du kop et ça n’est plus arrivé ensuite. Cette notion de respect, elle existait. La preuve est le dernier match de la saison 2011-2012 avec cet hommage que m’a fait le club avec les dirigeants autour de moi sur le bord de la pelouse et aussi les présidents des clubs de supporters lorsque Pierre Dréossi et Patrick Le Lay m’ont remis le fanion. Il y aussi eu ce spot sur les écrans géants du stade qui a été réalisé avec la complicité de ma femme. Je suis resté scotché, bluffé. Je suis parti à la retraite discrètement devant 20.000 personnes (rires), c’était extraordinaire. Lors d’un match européen, je disais à Pierre Dréossi qu’il n’y a vraiment qu’au football que nous avons la chair de poule comme cela, que nous vivons de telles émotions et des moments particuliers. Le football n’est pas violent selon moi, il est le reflet et l’expression de la société. C’est l’une des rares activités économiques qui est capable de rassembler la société dans sa diversité et tout ça dans un stade. Je compare les matches aux arènes de Rome. La seule différence est que l’empereur ne met pas le pouce à l’envers à la fin. Regardez les réactions dans un stade lorsqu’un joueur va rater une passe, comment les gens vont le vilipender et si ce même joueur marque un but dans la même soirée il devient un dieu ! Le football est irrationnel.

Quel est votre souvenir le plus marquant de vos 17 années au Stade Rennais FC ?

Au total, vous avez connu cinq présidents différents du SRFC. Pouvez vous nous décrire chacun d'entre eux ?

Le fait que tous ces présidents m’aient gardé à leur côté au poste de secrétaire général, c’est un gage de confiance. En 1999 au départ de Yannick Boizard, j’ai pris la responsabilité de l’organisation, de l‘accueil et de la sécurité. J’ai donc eu une double casquette jusqu’au bout de mes fonctions au Stade. J’ai une première pensée émue pour René Ruello, le président qui m’a recruté avec l’ensemble du directoire. J’étais allé le rencontrer à Panavi et à l’issue d’une journée d’échange sur nos expériences de chef d’entreprise, il m’avait dit qu’il aimerait bien me voir arriver au club mais pour cela, il fallait convaincre les autres membres du directoire. Ensuite, Pierre Blayau est un président d’une autre nature et là aussi j’ai appris à le connaître. J’ai encore aujourd’hui des échanges une ou deux fois par an avec lui. Le 4 juillet pour mon départ en retraite, il n’avait pas pu être présent mais il m’avait appelé comme le président Emmanuel Cueff d’ailleurs. C’est dire les relations cordiales et amicales que nous avons pu développer au travail. Ensuite, Emmanuel Cueff non plus n’était pas un homme de football étant donné que c’est plutôt la voile sa spécialité mais il s’est parfaitement adapté au monde du football et était très apprécié par les supporters au sens large. Quelqu’un d’extrêmement accessible au même titre que Frédéric de Saint-Sernin. Personnage public, homme politique, lui aussi s’est très bien habitué au football. Je garde pour moi un certain nombre de choses mais chacun à sa personnalité et ce que je retiens c’est que chacun d’entre eux m’a conservé. J'étais un bon soldat au service du club. Cela n’a pas toujours été un long fleuve tranquille mais nous avons développé des relations franches et cordiales. Lorsque je suis rentré au SRFC, je n’envisageais pas de rester 17 ans et les circonstances ont fait que c’est aller au-delà.

"Le Stade Rennais, c’est un espèce de baromètre de l’optimisme local"

Votre successeur Karim Houari, que pouvez vous nous dire de lui ?

Karim Houari est au club depuis 2007. C’est un garçon brillant, ancien basketteur de haut-niveau qui est arrivé comme responsable d’exploitation au départ. Je me suis rapidement aperçu que l’aspect organisationnel, il s’y intéressait. De fil en aiguille, je lui ai demandé de devenir mon adjoint dans un premier temps. Ensuite, j’ai fait part à Pierre Dréossi et il m’a donné son feu vert. On a cheminé ensemble pendant quatre ans. Maintenant, il est parfaitement connu des "corps constitués" et il a intégré la commission animation-sécurité de la Ligue de Football Professionnel. Ainsi, la transition s’est faite naturellement. C’est lui qui assure désormais la relation avec les supporters. Je n’ai aucune inquiétude sur ce "changement dans la continuité", il le fera à sa manière, c’est bien normal. Il va faire évoluer un certain nombre de choses au niveau des stadiers ou des responsables opérationnels. Il faut lui faire confiance et savoir laisser la place aux plus jeunes.

Comment arrive-t-on à marier la passion du cinéma avec l’Arvor que vous dirigé, et le monde du foot ?

J’ai toujours eu la chance de faire des choses qui m’ont passionné, que ce soit dans les activités professionnelles ou extra-professionnelles. C’est un moteur pour moi et c’est tout le mal que je souhaite aux autres que d’être passionnés pour ce qu’ils font. Quand j’avais mon entreprise, j’avais envie de faire autre chose après 20 ans dans ce domaine. Et puis est arrivé ce coup de fil de Gérard Pourchet pour rejoindre le club. J’ai saisi des opportunités, j’ai pris des virages et des risques dans ma carrière. Au Stade Rennais FC, nous sommes une entreprise de spectacle sportif. À l’Arvor, cela fait 40 ans que je m’en occupe, là aussi c’est du spectacle avec la recherche de films étrangers en version originale notamment. Je n’ai jamais cherché à dire je vais faire ceci ou cela, tout a été une question d’opportunités après m’être fait remarquer dans différents domaines. La vie associative m’a formé aux responsabilités, au don de soi, bénévolement pour les autres, cela fait grandir intellectuellement et moralement.

Gardez vous un œil attentif sur les résultats du club et sur son quotidien ?

Bien sûr ! Je vais d’ailleurs assister à Rennes-Lorient (NDLR : match du 16 septembre 2012 quelques jours après l’entrevue). Ce sera mon premier match officiel en tant que non employé du club. De plus, je vais intégrer la structure les "Deux Hermines." On me l’a proposé peu avant que je ne parte en retraite. C’est une structure qui n’est pas opérationnelle mais plutôt de réflexion à la manière d’un groupe de travail afin de donner des pistes au comité de direction s’il souhaite les explorer. Cela me permet de rester proche du club comme je reste vice-président de l’association ETP Odorico qui est l’un des piliers du centre de formation du Stade Rennais Football Club. Dernièrement, je suis allé au club pour transmettre des archives et tout le monde me disait : "On vous reverra ?". Je leur réponds par l’affirmative mais il ne faut pas se tromper, je ne suis plus un opérationnel du SRFC, j’ai pris ma retraite. Rester proche du club et attentif à ce qu’il s’y passe, c’est sûr et même donner mon avis si on me le demande mais je ne suis plus en charge de rien car désormais c’est Karim Houari qui est aux manettes. Donc contre Lorient cela va me faire bizarre, je vais m’asseoir et regarder le match, ce qui ne m’est jamais arrivé jusque-là. À l’habitude, je passais au PC sécurité, puis la sortie des joueurs, puis en tribune officielle et ensuite si on m’appelait à l’autre bout du stade, j’y étais. Je n’ai donc jamais eu de place attitrée en 17 ans au club.

"Celui à qui je dois tout par rapport au Stade Rennais c’est Gérard Pourchet"

Y a t'il un homme qui vous a marqué plus que tout autre ?

Celui à qui je dois tout par rapport au Stade Rennais c’est Gérard Pourchet. Alors membre du directoire du club, il savait que je ne m’intéressais pas spécialement au football et connaissait le contexte dans lequel je venais de vendre mon entreprise. Il me donne les coordonnées de René Ruello et tout est parti de là. Trois mois et demi plus tard, je rentrais au Stade. J’étais dans l’inconnu et sans l’appel du mois de mai 1995 de mon ami Gérard Pourchet, rien de toute cette histoire avec le Stade Rennais ne serait arrivé.

Désormais, comment va se dessiner votre quotidien loin de La Piverdière ?

On me parle de la retraite mais pour moi cela n’existe pas, nous devons rester des citoyens actifs au service des autres parce qu’il y a cette notion de viatique : moral, physique et intellectuel. Il y a clairement une rupture avec la vie professionnelle mais il faut savoir structurer ses journées pour nous obliger à faire des choses au service de, continuer à bâtir et à construire. Le cinéma va me prendre beaucoup de temps avec le projet de six salles sur les 3 à 5 ans qui viennent. Tous les mardis, je suis à la caisse à l’Arvor dont je suis le président et directeur bénévole. J’aime bien ce contact avec le public. De plus, je suis président d’une caisse de Crédit Mutuel et je suis administrateur d’une filiale qui se nomme Arkéa Assistance. En outre, je m’occupe de villages de vacances et je pense en intégrer le conseil d’administration dans les années qui viennent. Je suis sollicité par un certain nombre de structures mais pour le moment, j’estime qu’il est "urgent d’attendre." Enfin, je me suis inscrit à la randonnée avec mon épouse pour conserver une activité physique. Rester actif est indispensable pour moi.

Le football ne vous passionnait pas avant d'y être plongé. Vous intéresse-t-il davantage une fois que vous l'avez quitté ?

J’ai eu pour but que mon entreprise soit le plus haut possible, c’est ce qui me passionne. Le football est une des rares activités qui créé ce lien social et permet de distiller des petites parcelles de bonheur. Le Stade Rennais, c’est une espèce de baromètre de l’optimisme local. Le lundi matin dans les bureaux, dans les institutions, à la machine à café, on parle du Stade Rennais et d’ailleurs qu’on s’intéresse au football ou pas. Cette notion de lien social est extraordinaire ! Pour qu’un club marche, il faut deux pieds : un sportif et l’autre organisationnel. Quand vous êtes au Stade Rennais, on sait que vous y êtes, vous portez le stade surtout quand vous êtes cadre de direction comme je l’étais. C’est une chance inouïe mais c’est une responsabilité immense qu’il faut être capable de supporter lorsque vous êtes interpellé dans la rue ou en pleine forêt. C’est dans ces moments-là que vous prenez conscience du rayonnement que cela représente. Vous portez l’image de la ville, de la métropole, de la région y compris à l’extérieur, lorsque le club se déplace.